Révolution dans les missions mondiales (Page 26 / 31)
Mis à l'épreuve
Il m'a souri chaleureusement de l'autre côté de son immense bureau verni. J'étais très impressionné. Cet homme dirigeait l'un des plus importants ministères en Amérique, pour lequel j'avais, depuis de nombreuses années, beaucoup d'admiration.
Un grand prédicateur, auteur et leader, il avait de nombreux disciples, autant parmi le clergé que les laïcs.
Il m'avait envoyé un billet d'avion et invité à venir lui donner des conseils sur la façon d'étendre son ministère en Inde. J'étais flatté. Son intérêt pour Gospel for Asia et le mouvement des missions locales me réjouissait beaucoup plus que je n'osais le lui faire croire. Dès l'instant où il m'a téléphoné, j'ai senti que cet homme pourrait être une aide d'une grande valeur à bien des égards. Il pourrait sans doute ouvrir des portes qui nous aideraient à trouver des donateurs pour les centaines de missionnaires asiatiques en attente d'un soutien financier.
Mais je ne m'attendais pas du tout à recevoir une offre aussi généreuse. Elle s'est avérée être le premier test parmi plusieurs pour notre organisation.
« Frère K. P., m'a-t-il dit lentement, accepteriez-vous d'abandonner ce que vous faites ici aux États-Unis pour devenir notre représentant en Inde? Nous croyons que Dieu vous appelle à travailler avec nous pour apporter le message de notre Église aux Indiens. Nous vous appuierons entièrement dans tout. »
Et sans s'arrêter pour reprendre son souffle, il a poursuivi : « Vous aurez tout ce que vous voudrez. Nous vous donnerons une imprimerie ainsi que des fourgonnettes et de la documentation. Nous sommes prêts à fournir tous les fonds nécessaires, plusieurs fois ce que vous pourriez recueillir à vous seul. »
C'était une offre extrêmement intéressante. Et puis, l'homme a ajouté autre chose de plus alléchant encore. « Vous n'auriez plus à voyager ni organiser des activités de levée de fonds. Vous n'auriez plus besoin de bureaux et d'employés aux États-Unis. Nous nous chargerions de tout cela pour vous. Vous voulez être en Asie, n'est-ce pas? Il y a beaucoup à faire là-bas, alors, nous vous proposons d'y retourner pour diriger notre ministère asiatique. »
Étonné par l'idée de voir autant de mes prières exaucées d'un seul coup, je me suis laissé aller à imaginer toutes les possibilités. C'était certainement la plus extraordinaire réponse à nos prières. Tout en parlant avec cet homme, mon regard s'est arrêté inconsciemment sur un de ses albums de messages audio. C'était une très bonne série d'enseignements portant sur un sujet des plus controversés aux États-Unis à l'époque. Ils n'avaient toutefois rien à voir avec les besoins et les problèmes en Asie.
Croyant déceler en moi un intérêt pour ces cassettes, l'homme m'a dit d'un ton très sûr de lui : « Nous commencerons par ces enregistrements. Je vous fournirai l'équipement nécessaire pour les produire en Inde. Nous pourrons même les faire traduire dans toutes les langues importantes. Nous en produirons des millions de copies et les distribuerons à chaque croyant indien. »
J'avais déjà entendu d'autres hommes avec des idées aussi farfelues. Les cassettes ne serviraient à rien en Inde. Des millions d'Indiens risquaient de finir en enfer, et le message de cet homme ne leur serait d'aucune utilité. Toutefois, même si la proposition de cet homme était à mon avis insensée, je me suis efforcé de rester poli.
« Eh bien, il y a du matériel ici qui pourrait être adapté à la culture indienne et produit sous forme de livret », lui ai-je dit sans conviction réelle. Soudainement, son visage s'est figé. J'ai senti que je venais de dire quelque chose que je n'aurais pas dû.
« Oh non, a-t-il dit d'un air entêté. Je ne peux changer aucun mot. C'est le message que j'ai reçu de Dieu. Cela fait partie de notre raison d'être. Si le problème n'existe pas actuellement en Inde, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il devienne une réalité. Nous avons besoin de vous pour nous aider à faire circuler ce message en Asie. »
En un instant, ce serviteur de Dieu, un homme foncièrement bon, a montré ses vraies couleurs. Son cœur ne brûlait d'aucune passion pour les perdus et les Églises d'Asie. Il avait une mission à réaliser à l'étranger et il croyait avoir suffisamment d'argent pour m'acheter et m'envoyer l'accomplir pour lui. C'était le même vieux refrain; un cas de néocolonialisme religieux.
Je me retrouvais encore une fois face à face avec l'orgueil charnel, dans toute sa laideur. J'avais admiré et aimé cet homme et son ministère, mais il avait un problème : comme beaucoup d'autres avant lui, il croyait que si Dieu allait faire quelque chose dans ce monde, c'est par lui qu'Il le ferait.
Dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai poliment pris congé de cet homme et je ne l'ai jamais rappelé. Il vivait dans un monde du passé, au temps des missions coloniales, où les dénominations occidentales pouvaient exporter et vendre leurs doctrines et programmes aux Églises émergentes de l'Asie.
Le corps de Christ en Asie est redevable aux merveilleux missionnaires des xixe et xxe siècles. Ils nous ont annoncé l'Évangile et ont implanté des Églises. Toutefois, il est temps maintenant que l'Église ne soit plus soumise à la domination occidentale.
Le message que j'adresse aux occidentaux est simple : Dieu appelle les chrétiens du monde entier à reconnaître qu'Il bâtit actuellement Son Église en Asie. Votre soutien est nécessaire pour aider les missionnaires natifs auxquels Dieu demanded'étendre Son Église, mais non pour imposer votre autorité et vos enseignements aux Églises orientales.
Gospel for Asia eu d'autres épreuves à surmonter. La plus grande est sans doute venue d'un autre groupe que nous ne nommerons pas. Cette-fois-ci, il s'agit du don le plus important qui nous ait été offert.
Notre amitié et notre amour pour les membres de ce groupe s'étaient développés depuis quelques années. Nous avons vu Dieu faire naître dans le cœur de ces personnes un grand désir de voir prêcher l'Évangile du Seigneur Jésus comme un signe de la toute-puissance de Dieu dans le monde entier. Dieu les a appelés à aider à équiper les pasteurs et évangélistes asiatiques, et ils ont fourni un apport financier dans quelques projets de Gospel for Asia au cours des dernières années.
Un jour, j'ai croisé, apparemment par hasard, une délégation de quatre membres de ce groupe en Inde. Ils avaient rencontré quelques-uns de nos missionnaires natifs, et je voyais bien qu'ils étaient profondément touchés par la vie des évangélistes indiens. À mon retour chez moi, des lettres de remerciement m'attendaient, et deux de ces hommes offraient de soutenir un missionnaire. Ce geste m'a surpris parce que ces mêmes hommes votaient également pour nous octroyer des fonds pour d'autres projets. Cela m'a convaincu qu'ils croyaient vraiment à l'œuvre des frères asiatiques, du moins, ils y croyaient suffisamment pour faire plus que ce qu'exigeait leur devoir d'administrateur et s'engager personnellement.
Vous pouvez donc vous imaginer comme j'ai crié et dansé dans mon bureau lorsque j'ai reçu un appel téléphonique du président du conseil d'administration deux semaines plus tard. Il m'a dit que le groupe avait décidé de nous allouer une part considérable de leur budget missionnaire! J'avais de la difficulté à imaginer un aussi grand cadeau. Quand j'ai raccroché le téléphone, les employés du bureau pensaient que j'étais devenu fou. Nous avions tellement besoin de cet argent! À vrai dire, j'avais déjà tout dépensé dans mon esprit. Pour commencer, j'ai pensé qu'une partie pourrait servir à construire une école de formation intensive pour les nouveaux missionnaires.
C'est sans doute pour cela que ce qui s'est passé par la suite m'a vraiment secoué. Les membres du conseil discutaient entre eux du projet, et ils ont commencé à se poser des questions quant à la gestion et la responsabilité du projet. Ils m'ont téléphoné pour me dire que leur conseil d'administration n'accepterait de soutenir le projet qu'à la condition que l'un d'eux fasse partie du conseil de l'établissement en Inde. Après tout, disaient-ils, une somme aussi importante ne pouvait être attribuée « sans conditions ».
Prenant une grande respiration et implorant l'aide du Seigneur, j'ai tenté d'expliquer la politique de Gospel for Asia.
« Nos dirigeants à l'étranger jeûnent et prient chaque fois qu'ils ont à prendre une décision. Nous n'avons pas besoin de faire partie de leur conseil pour protéger nos investissements. De toute manière, l'argent ne nous appartient pas, c'est l'argent de Dieu. Il est plus grand que Gospel for Asia ou votre organisation. Laissons Dieu protéger ses propres intérêts. Les frères en Asie n'ont pas besoin de nous pour dicter leur conduite. Jésus est leur Seigneur, et Il saura bien les guider quant à la façon d'administrer ce don. »
Il y a eu un long silence à l'autre bout.
Puis, le directeur a fini par dire : « Je suis désolé, frère K. P., je ne pense pas pouvoir vendre cette idée à notre conseil d'administration. Ils veulent savoir ce qu'on fera de cet argent. Comment cela est-il possible si aucun d'eux n'est membre du conseil? Soyez raisonnable. Vous nous rendez la tâche difficile. C'est une procédure normale pour un don d'une telle valeur. »
Les pensées se bousculaient dans ma tête. Une petite voix me disait : « Accepte. Tout ce qu'ils veulent, c'est un bout de papier. N'en fais pas tout un plat. Après tout, il s'agit du don le plus important que vous ayez jamais reçu. Personne ne donne autant d'argent sans exiger des comptes. Cesse de faire l'idiot. »
Mais je savais que je ne pouvais accepter une telle proposition. Je ne pouvais pas faire face aux frères et leur dire que, pour avoir droit à cet argent, je devais leur envoyer un américain pour superviser leurs dépenses.
Je leur ai donc dit : « Non, nous ne pouvons accepter votre argent si pour cela, nous devons compromettre la pureté de notre ministère. Les membres du conseil d'administration des missions asiatiques sont tous des hommes de Dieu, dignes de confiance et très responsables. Plus tard, vous pourrez voir le bâtiment vous-même lorsque vous irez en Asie. Je ne peux pas compromettre l'autonomie de l'œuvre en exigeant qu'un américain fasse partie du conseil local.
« Vous suggérez en somme de “retenir l'arche” comme l'a fait Uzza dans l'Ancien Testament. Dieu a frappé cet homme pour avoir voulu prendre la situation en main à Sa place. Quand le Saint-Esprit est à l'œuvre, nous devenons impatients parce que nous voulons tout diriger. C'est une faiblesse inhérente de la chair. En fin de compte, vous nous offrez cet argent avec des conditions, dans le seul but de prendre la direction du ministère en Asie. Vous devez apprendre à lâcher prise de votre argent, parce ce n'est pas votre argent, c'est celui de Dieu. »
Ensuite, je lui ai présenté un dernier argument de mon cœur, espérant sauver le présent, mais prêt à tout perdre si je n'arrivais pas à convaincre ces hommes.
« Mon frère, ai-je dit doucement, chaque mois, je signe et envoie aux missions asiatiques des chèques qui s'élèvent à des milliers de dollars. Souvent, lorsque je tiens ces chèques dans ma main, je prie : “Seigneur, ceci est Ton argent. Je ne suis que le serviteur qui l'envoie là où tu m'as dit qu'il doit aller. Aide les dirigeants en Asie à utiliser cet argent pour gagner des millions d'âmes perdues afin que le nom de Jésus soit glorifié”. La seule chose dont nous devons nous soucier, c'est de faire notre part. J'obéis à la direction du Saint-Esprit dans la gestion de l'argent du Seigneur. Ne me demandez pas d'exiger que les frères en Asie fassent quelque chose que je ne ferais pas. »
Je n'avais plus rien à dire, alors, j'ai cessé de parler.
La voix à l'autre bout de la ligne a donc répété : « Eh bien, nous voulons vraiment vous aider. Je vais présenter vos arguments, mais vous ne me facilitez pas la tâche. »
« J'en suis certain, ai-je dit avec conviction, d'autres organisations accepteraient probablement vos conditions. Tout ce que je sais, c'est que nous ne pouvons pas le faire. La coopération évangélique est une chose, mais la supervision ne respecte pas les normes bibliques et finit par faire plus de tort que de bien. »
Je parlais avec conviction, mais au-dedans de moi, j'étais certain que nous avions tout perdu. Il ne restait plus qu'à dire au revoir.
Deux semaines ont passé, et nous n'avions toujours pas eu de nouvelles. Chaque jour, je priais pour que Dieu éclaire le conseil d'administration. Nos proches, ceux qui étaient au courant de l'offre, ne cessaient de me demander s'il y avait du nouveau. Tout le monde au bureau priait.
« Nous avons emprunté le chemin étroit, ai-je dit bravement au personnel, faisant ce que Dieu nous a dit de faire. » Au fond de moi, je souhaitais que cette fois, Dieu me permette de faire une petite entorse au règlement.
Mais notre fidélité a été récompensée. Un jour, le directeur de l'organisation m'a retéléphoné. Le conseil s'était réuni la veille et il avait présenté ma position.
Le sourire dans la voix, il m'a dit : « Frère K. P., nous nous sommes réunis et avons discuté très sérieusement de ce projet. J'ai mentionné le besoin d'autonomie des frères asiatiques et le conseil a voté pour vous laisser avancer dans le projet sans supervision. » Vous ne connaîtrez peut-être pas toujours une fin aussi heureuse chaque fois que vous déciderez de prendre position pour ce qui est juste, mais peu importe. Dieu nous a appelés à demeurer ici en Occident, afin d'encourager les gens fortunés de ce monde à partager avec les plus nécessiteux.
Dieu appelle les chrétiens occidentaux à reconnaître qu'Il est en train de bâtir Son Église de manière à ce qu'elle soit un instrument de compassion, de partage et de salut pour les âmes perdues. Il utilise des occidentaux qui ont un cœur débordant d'amour pour les perdus, à faire partie de son nouveau mouvement en soutenant financièrement les leaders de missions asiatiques qu'il a appelés pour les diriger.
Dieu appelle le corps de Christ, qui vit dans l'abondance en Occident, à laisser tomber l'attitude fière et arrogante de « notre façon de faire est la seule » et à partager avec ceux qui vont mourir dans le péché, à moins que les nations qui sont plus en moyens leur envoient de l'aide. L'Occident doit partager avec l'Orient, sachant que Jésus a dit :
Les missionnaires asiatiques ont-ils fait des erreurs? Oui. Et ce serait faire preuve de mauvaise gestion que de donner notre argent librement, sans savoir si un ministère est digne de confiance et intègre. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas aider ces missionnaires.
L'Église occidentale est à la croisée des chemins. Nous pouvons choisir d'endurcir notre cœur aux besoins du tiers-monde et demeurer dans l'ignorance, l'orgueil et l'égoïsme, ou nous repentir et aller de l'avant avec l'Esprit de Dieu. Quel que soit le chemin que nous déciderons de suivre, les lois de Dieu existeront toujours. Si nous fermons notre cœur aux gens qui meurent et vont en enfer, nous nous exposons au jugement de Dieu et la perte certaine de notre abondance. Par contre, si nous ouvrons notre cœur et partageons avec eux, ce sera le début de nouvelles bénédictions et d'un renouveau.
Voilà pourquoi je crois que la réponse des croyants d'Occident est cruciale. Le cri de mon cœur est bien plus qu'une question missionnaire qui peut être ignorée comme une quelconque lettre de sollicitation ou une invitation à un banquet. La réponse aux besoins du monde perdu est directement liée à la croyance spirituelle et au bien-être de chaque croyant. Pendant ce temps, les frères inconnus en Asie continuent d'élever les mains vers Dieu dans la prière, lui demandant de combler leurs besoins. Ils sont des hommes et des femmes de haut calibre, qu'on ne peut acheter. Plusieurs ont développé une dévotion à Dieu, qui les a rendus hostiles à l'idée de devenir des serviteurs, des hommes et des établissements religieux pour le profit.
Ils sont les véritables frères de Christ dont la Bible parle; ceux qui vont de village en village, sont roués de coups et persécutés lorsqu'ils présentent Christ aux millions d'âmes perdues qui n'ont pas encore entendu la Bonne Nouvelle de son amour.
Ils n'ont pas peur des hommes, et sont prêts à vivre comme leur Seigneur a vécu, dormant en bordure des routes, étant privés de nourriture et mourant même, pour avoir partagé leur foi. Ils sortent même si on leur dit qu'il ne reste plus de fonds pour la mission. Ils sont déterminés à prêcher, même s'ils savent qu'ils auront à souffrir pour cela. Pourquoi? Parce qu'ils aiment les âmes qui meurent sans Christ. Ils sont trop occupés à faire la volonté de Dieu pour se mêler de politique d'église, des conseils d'administration, des campagnes de levée de fonds et des efforts de relations publiques.
C'est le grand privilège des chrétiens riches de l'Occident, de partager dans le ministère, en envoyant une aide financière. Si nous ne les aimons pas assez pour les soutenir, si nous n'obéissons pas à l'amour de Christ en leur expédiant de l'argent, nous aidons à les envoyer dans les flammes éternelles sans avoir eu l'occasion d'entendre parler de l'amour de Dieu. Si les évangélistes natifs ne peuvent pas aller vers ces personnes, parce que personne ne veut les envoyer, il faut blâmer le corps de Christ, ici, qui a les moyens de les aider. Et si cet argent n'est pas donné au Seigneur, il disparaîtra bientôt. Si l'Église occidentale n'éclaire pas le monde de sa lumière, le Seigneur lui enlèvera son chandelier.
Nous pourrions faire semblant que ceux qui sont pauvres et perdus n'existent pas, mais détourner nos yeux de la vérité ne fera pas disparaître notre culpabilité. Gospel for Asia existe pour rappeler aux chrétiens fortunés qu'il y a un monde de gens affamés, nécessiteux et perdus que Jésus aime et pour qui Il est mort. Voulez-vous nous aider à pourvoir à leurs besoins?