Révolution dans les missions mondiales (Page 23 / 31)
Une vision universelle
Les missionnaires occidentaux devraient-ils tous quitter l'Asie pour toujours? Bien sûr que non. Dieu les appelle encore à accomplir des tâches uniques en Asie et ailleurs.
Mais nous devons comprendre que, dans ces pays où les missionnaires occidentaux ne peuvent plus implanter d'Églises comme par les années passées, le rôle des Occidentaux est maintenant de soutenir les efforts des missionnaires indigènes sur le plan financier et par la prière d'intercession.
Je dois user de beaucoup de tact pour faire comprendre aux nord-américains qu'il y a énormément de préjugés contre eux presque partout en Asie. En réalité, j'écris cette partie de ce livre avec crainte et tremblement, mais il faut que ces vérités sortent au grand jour si nous voulons accomplir la volonté de Dieu dans les champs de missions asiatiques aujourd'hui.
Dennis E. Clark, dans The Third World and Mission, écrit : « Il y a des moments dans l'histoire où, peu importe le talent de quelqu'un, il ne peut plus proclamer efficacement l'Évangile aux gens d'une autre culture. Un Allemand n'aurait pu le faire en Grande-Bretagne en 1941, pas plus qu'un Indien au Pakistan durant la guerre de 1967, et il sera extrêmement difficile pour les Américains de le faire au tiers-monde des années 1980 et 1990. » Voilà qui est tellement vrai, et pire encore, aujourd'hui.
Pour Christ, parce que son amour nous y contraint, il nous faut revoir les politiques financières et missionnaires de nos Églises et nos agences missionnaires nord-américaines. Chaque chrétien devrait reconsidérer sa façon de gérer son argent et se soumettre à la direction du Saint-Esprit pour savoir comment mieux soutenir l'Église universelle.
Je ne dis pas que nous devrions mettre un terme aux programmes de missions confessionnelles ou fermer les centaines de missions qui existent ici en Amérique du Nord, mais je recommande que nous révisions les politiques et les pratiques que nous avons adoptées depuis 200 ans. Le temps est venu de procéder à des changements majeurs et de lancer le plus important mouvement missionnaire de l'histoire, dont le but principal serait d'aider et d'envoyer des missionnaires évangélistes natifs plutôt que des membres de notre Église occidentale.
Le principe que je défends est le suivant : nous croyons que la meilleure manière de gagner l'Asie pour Christ est de soutenir financièrement et par la prière, les missionnaires natifs que Dieu appelle au tiers-monde. En règle générale, je crois, pour les raisons suivantes, qu'il est préférable de soutenir les missionnaires natifs dans leur pays plutôt que d'envoyer des missionnaires occidentaux :
Premièrement, ce serait une sage gestion. Selon Bob Granholm, ancien directeur général de Frontiers au Canada, il en coûte entre 25'000 $ et 30'000 $ annuellement pour subvenir aux besoins d'un missionnaire sur le terrain, et aujourd'hui, ce chiffre dépasse les 40'000 $. Et même si ce chiffre est réel en ce qui concerne des agences comme Frontiers, Opération mobilisation, Jeunesse en Mission et d'autres, mes recherches auprès des agences plus traditionnelles ont révélé que le coût peut être encore beaucoup plus élevé. Une organisation entre autres, estime ses coûts à près de 80'000 $ par année pour garder un couple missionnaire en Inde. Avec un maigre taux d'inflation de seulement 3 %, ce montant dépassera les 100'000 $ en moins de dix ans.
Dans un sondage sur l'évangélisation mondiale effectué dans les années 90, les dirigeants d'agences missionnaires ont estimé qu'ils auraient besoin de 200'000 nouveaux missionnaires avant l'an 2000 s'ils voulaient répondre aux besoins de la croissance de la population. Le coût d'un si modeste effort missionnaire représenterait 20 milliards $ par année. Si l'on considère qu'en 2000, les Américains ont contribué seulement 5,5 milliards de dollars aux missions, nous nous voyons obligés de lancer une gigantesque campagne de levée de fonds. Il doit y avoir une autre option.
En Inde, pour le prix d'un seul billet d'avion pour envoyer un Américain de New York à Mumbai, on peut soutenir un missionnaire natif pendant quelques années! À moins que nous ne tenions compte de cette réalité, nous passerons à côté de l'occasion unique que nous avons d'aller prêcher l'Évangile à des millions d'âmes perdues. Aujourd'hui, il est outrageusement exagéré d'envoyer un missionnaire nord-américain à l'étranger, à moins d'avoir de très bonnes raisons de le faire. D'un point de vue strictement financier, envoyer des missionnaires occidentaux outre-mer est l'investissement le plus douteux qu'on puisse faire.
Deuxièmement, dans plusieurs endroits, la présence de missionnaires occidentaux perpétue le mythe que le christianisme est la religion de l'Ouest. Bob Granholm déclare : « Bien que l'internationalisation des activités missionnaires représente un pas dans la bonne direction, il est souvent plus sage de ne pas donner un visage occidental aux efforts d'expansion du royaume. »
Roland Allen le dit mieux que moi dans son livre The Spontaneous Expansion of the Church :
Même si nous disposions d'hommes et de fonds de sources occidentales illimités et que nous couvrions la planète d'une armée de millions de missionnaires étrangers, le programme ne tarderait pas à révéler ses faiblesses, comme il a déjà commencé à le faire.
Le simple fait que le christianisme serait propagé par une telle armée, établie dans des stations étrangères à travers le monde, ne ferait qu'aliéner les populations indigènes qui verraient en ce geste la croissance de la religion d'un peuple étranger. Ils se verraient privés de leur indépendance religieuse, et craindraient de plus en plus de perdre leur indépendance sociale.
Des étrangers ne pourront jamais réussir à propager une croyance à travers un pays entier. Si la croyance n'est pas naturalisée et répandue parmi le peuple par sa propre force, elle exerce une influence alarmante et détestable, et les hommes la craindront et l'éviteront puisqu'ils la considèrent comme quelque chose d'étranger. Il est donc évident qu'un programme missionnaire sérieux ne peut reposer uniquement sur la multiplication de missionnaires et de stations évangéliques. Un millier ne suffirait pas et une douzaine pourrait être trop.
Un de mes amis, qui dirige une organisation missionnaire semblable à la nôtre, m'a raconté récemment la conversation qu'il a eue avec des dirigeants d'Églises africaines.
Ces hommes lui ont dit : « Nous voulons évangéliser notre peuple, mais nous ne pouvons le faire tant que les missionnaires blancs sont là. Les gens ne nous écouteront pas. Les communistes et les musulmans leur disent que les missionnaires sont des espions envoyés par leur gouvernement comme agents des impérialistes capitalistes. Nous savons que cela est faux, mais les journaux racontent que les fonds de certains missionnaires proviennent de la CIA (Agence centrale de renseignement aux États-Unis). Nous aimons les missionnaires américains qui oeuvrent pour le Seigneur. Nous aimerions bien qu'ils puissent rester, mais ils doivent partir si nous voulons évangéliser notre pays. »
Aujourd'hui encore, nos Églises et nos organisations missionnaires gaspillent des millions de dollars à l'étranger pour ériger et protéger des structures organisationnelles élaborées. À une époque, les missionnaires occidentaux devaient eux-mêmes aller dans ces pays où l'Évangile n'était pas prêché. Mais nous vivons maintenant à une autre époque, et il est important de reconnaître que Dieu a appelé des missionnaires indigènes qui sont plus aptes que les étrangers à accomplir la tâche.
À présent, nous devons envoyer la plus grande partie de nos fonds aux missionnaires et aux mouvements d'implantation d'Églises locales. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne reconnaissons pas l'héritage que nous ont légué les missionnaires occidentaux. Bien que je croie que des changements doivent être apportés à nos méthodes missionnaires, nous louons Dieu pour la merveilleuse contribution des missionnaires occidentaux aux pays du tiers-monde qui n'avaient encore jamais entendu parler de Christ. À cause de leur fidélité, de nombreuses personnes ont été conduites à Christ, des Églises ont été fondées et les Écritures ont été traduites. Ces convertis sont à leur tour missionnaires aujourd'hui.
Silas Fox, un Canadien qui a servi dans le sud de l'Inde, a appris à parler la langue du peuple, le telugu, et a prêché la Parole avec une telle onction qu'aujourd'hui, des centaines de leaders chrétiens dans l'État d'Andhra Pradesh peuvent retracer leurs origines spirituelles à son ministère.
Je remercie Dieu pour des missionnaires comme Hudson Taylor, qui, malgré les réticences de ses supérieurs de l'agence missionnaire, a vécu comme un Chinois et a gagné beaucoup de personnes à Christ. Je ne suis pas digne d'essuyer la poussière des pieds de ces milliers d'hommes et de femmes de Dieu qui sont allés à l'étranger à leur époque.
Jésus a établi le modèle de l'œuvre missionnaire locale. Il a dit :
Si un missionnaire veut réussir, il doit s'identifier aux personnes qu'il veut évangéliser. Comme les Occidentaux sont habituellement incapables de faire cela, ils n'ont pas de succès. N'importe qui, asiatique ou américain, qui insiste à vouloir aller évangéliser au nom des missions et des organismes occidentaux, n'aura pas beaucoup de succès à notre époque. Nous ne pouvons pas maintenir un style de vie et un point de vue occidentaux en travaillant parmi les pauvres en Asie.
Troisièmement, les missionnaires occidentaux, avec l'argent qu'ils apportent, compromettent la croissance naturelle et l'indépendance de l'Église nationale. Le pouvoir économique du dollar américain vient déformer l'image lorsque les missionnaires occidentaux embauchent des leaders nationaux de grand renom pour mener leurs organisations.
J'ai fait la connaissance, un jour, d'un missionnaire membre du conseil d'administration d'une des plus grandes dénominations des États-Unis. C'est un homme plein d'amour, un frère en Christ, que je respecte énormément, mais il dirige sa mission en Asie selon les principes coloniaux.
Nous avons parlé des amis que nous avons en commun et de la croissance extraordinaire que connaît actuellement l'Église en Inde. Nous avons beaucoup partagé dans le Seigneur. J'ai découvert qu'il a autant de respect que moi pour les frères indiens que Dieu utilise en Inde aujourd'hui. Toutefois, il ne voulait pas soutenir ces hommes qui sont évidemment choisis par Dieu.
Je lui ai demandé pourquoi. Sa dénomination dépense des millions de dollars annuellement pour ouvrir des églises en Asie. Cet argent pourrait mieux servir à soutenir des missionnaires natifs dans les Églises que le Saint-Esprit fait naître spontanément.
Sa réponse m'a surpris et peiné.
« Notre politique, m'a-t-il dit sans gêne, est d'utiliser les indigènes seulement pour agrandir les Églises qui se joignent à notre dénomination. »
Ses mots me tournaient dans la tête : « utiliser les indigènes ». C'était la façon de procéder des colonialistes et c'est encore la politique des missions occidentales néo-coloniales. Avec leur argent et leur technologie, beaucoup d'organismes ne font qu'acheter les gens pour perpétuer leur dénomination, leur façon de faire et leur croyance étrangère.
En Thaïlande, un groupe de missionnaires natifs a été « acheté » par une puissante organisation paraecclésiastique américaine. Après avoir réussi à gagner leur propre peuple à Christ et à implanter des Églises à la manière thaïlandaise, ces hommes ont reçu une bourse pour aller étudier aux États-Unis. L'organisation américaine leur a fourni des comptes de dépenses, des voitures et des bureaux chics à Bangkok.
Quel prix le missionnaire natif a-t-il eu à payer? Il doit utiliser de la documentation et des films étrangers, en plus de se conformer aux méthodes de cette organisation américaine technologique. On ne prend pas le temps d'étudier l'efficacité que ces outils et ces méthodes auront sur l'Église de Thaïlande. Efficaces ou non, ils seront utilisés parce qu'ils sont inscrits dans les manuels de formation de l'organisation.
Après tout, le raisonnement de ce groupe est que, si cette façon de faire a généré de bons résultats à Los Angèles et Dallas, elle fonctionnera certainement en Thaïlande!
Ce genre de pensée tient vraiment du néocolonialisme. Se servir de l'argent que Dieu nous donne pour embaucher des gens qui perpétueront nos anciennes méthodes et théories impérialistes d'une façon moderne. Rien n'est plus contraire à ce que la Bible enseigne.
La triste réalité est que l'Esprit de Dieu faisait déjà un travail merveilleux en Thaïlande d'une manière culturellement acceptable. Pourquoi ce groupe n'a-t-il pas plié les genoux en toute humilité devant le Saint-Esprit en disant : « Que Ta volonté soit faite, Seigneur »? S'ils voulaient aider, je crois que la meilleure façon aurait été d'appuyer ce que Dieu faisait déjà par Son Esprit Saint. Avant que ce groupe réalise à quel point il s'est trompé, les missionnaires qui ont perturbé l'Église seront rentrés chez eux pour ne jamais revenir. Dans leurs rassemblements, ils raconteront les exploits qu'ils auront réalisés en Thaïlande alors qu'ils évangélisaient le pays à la manière des Américains. Cependant, personne ne posera la question de première importance : « Où sont les fruits durables? »
Très souvent, nous nous concentrons tellement sur l'expansion de notre propre organisation que nous ne comprenons pas la façon d'agir du Saint-Esprit sur les différents peuples de ce monde. Résolus à bâtir « nos » églises, nous n'avons pas remarqué de quelle manière Christ est en train de bâtir « Son » Église. Nous devons cesser de voir le monde perdu à travers les yeux de notre dénomination. C'est alors que nous gagnerons les âmes perdues pour Christ au lieu d'essayer d'ajouter de nouveaux chiffres à nos organisations d'hommes pour plaire au siège social qui gèrent les finances à leur guise.
Quatrièmement, les missionnaires occidentaux ne peuvent pas aller dans les pays où habitent la plupart des soi-disant « peuples isolés ». Plus de 2 milliards de ces personnes existent dans le monde aujourd'hui. Des millions de millions d'âmes perdues n'ont jamais entendu l'Évangile. Nous savons qu'il faut aller vers eux, mais qui y ira? Les peuples isolés habitent presque tous des pays fermés qui limitent rigoureusement l'accès aux missionnaires américains et européens.
Des 135'000 missionnaires nord-américains qui sont activement engagés, moins de 10'000 d'entre eux oeuvrent chez les peuples isolés. La vaste majorité oeuvre dans des endroits où il y a des églises et où l'Évangile est déjà prêché.
Bien qu'un tiers des pays du monde aujourd'hui n'acceptent pas de missionnaires américains sur leur territoire, le missionnaire natif peut maintenant aller chez les peuples isolés voisins. Par exemple, un Népalais peut aller prêcher l'Évangile en Malaisie bien plus facilement qu'un Occidental.
Cinquièmement, les missionnaires occidentaux ne réussissent plus très bien à rejoindre les asiatiques et à établir des églises locales dans les villages d'Asie. Contrairement à ceux-ci, les missionnaires asiatiques peuvent prêcher, enseigner et évangéliser sans restrictions et barrières. En tant que natifs du pays ou de la région, ils connaissent d'instinct les tabous culturels. Très souvent, ils maîtrisent la langue ou un de ses dialectes. Ils peuvent se déplacer sans difficulté et sont acceptés bon temps mauvais temps comme des gens de la place. Ils n'ont pas à être envoyés à des milliers de kilomètres et n'ont pas besoin d'une formation particulière ou d'un cours de langue.
Je me souviens d'un incident parmi tant d'autres qui illustre bien cette triste réalité. Du temps où je prêchais dans le nordouest de l'Inde, j'ai rencontré une missionnaire de la Nouvelle-Zélande qui oeuvrait dans ce pays depuis 25 ans. Dans les derniers temps de son mandat, elle avait été assignée à travailler dans une boutique de livres chrétiens. Un jour, mon équipe et moi avons voulu aller acheter des livres dans cette boutique, mais elle était fermée. Nous sommes donc allés directement à son quartier général de mission, situé dans un manoir emmuré, pour savoir ce qui se passait. La missionnaire a répondu : « Je retourne chez moi pour toujours. »
Je lui ai demandé ce qu'il adviendrait de la boutique de livres. La femme a répondu : « J'ai vendu tous les livres au prix de gros et j'ai fermé boutique. »
Avec beaucoup de regret, je lui ai demandé si elle n'aurait pas pu laisser quelqu'un d'autre s'occuper du magasin, et elle a répondu qu'il n'y avait personne.
Je me demandais comment il était possible qu'après avoir vécu 25 années en Inde, elle quittait le pays sans avoir gagné une seule personne à Christ, qui aurait pu prendre la relève. Elle et ses collègues missionnaires vivaient dans un complexe emmuré avec 3 ou 4 servantes chacun pour s'occuper de leurs besoins. Elle a perdu une vie entière en plus de montants astronomiques de l'argent précieux de Dieu, qui aurait pu servir pour prêcher l'Évangile. Je ne pouvais m'empêcher de penser que Jésus nous a appelés à être des serviteurs et non des maîtres. Si cette femme avait agi en servante, elle aurait accompli l'appel de Dieu sur sa vie et la grande mission.
Malheureusement, cette triste réalité se répète à travers le monde, dans les missions étrangères qui oeuvrent à la manière coloniale. Tristement, il y a très peu de missionnaires traditionnels qui sont tenus responsables de l'absence de résultats, et dont les échecs sont rapportés chez eux dans l'Ouest.
Pendant ce temps, les évangélistes aborigènes voient sur chaque continent des milliers de personnes venir à Christ lors de grands mouvements de réveil. Chaque semaine, des centaines de nouvelles Églises sont fondées par des missionnaires du tiers-monde!