Les pauvres et l'Eglise primitive : exemple ou utopie?

Un texte de SEL

«Tous ceux qui avaient cru étaient ensemble et avaient tout en commun. Ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun» (Ac 2.44-45).

Devons-nous agir de même ?

32 La multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre, mais tout était commun entre eux. 33 Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous. Lire la suite

Certes, il ne faut pas idéaliser les premiers temps de l'Eglise. Ces descriptions parlent d'une communauté au tout début de son existence ; si le don de soi – et des biens – paraît naturel dans une situation de grande effervescence, il a toujours du mal à se pérenniser !

La suite des Actes, avec le récit d'Annanias et Saphira (Ac 5.1-11), montrera de même que ces descriptions ne disent pas tout de la communauté naissante .

Le souci des pauvres : un thème qui parcourt tout le Nouveau Testament

Pourtant, ce souci des démunis ne se limite pas aux premiers chapitres des Actes ; il fera partie des consignes que Paul recevra des Apôtres de Jérusalem et qu'il transmettra aux communautés qu'il fondera. La collecte organisée au moment où l'Eglise de Jérusalem se trouvera elle-même en situation de difficulté en est un témoignage éloquent .

10 Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j'ai bien eu soin de faire.

10 Ainsi donc, pendant que nous en avons l'occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi.

Par ailleurs, le détachement des richesses que Jésus préconise dans les évangiles reviendra aussi chez Paul.

30 ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas, 31 et ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car la figure de ce monde passe. Lire la suite

6 Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces.

11 Ce n'est pas en vue de mes besoins que je dis cela, car j'ai appris à être content de l'état où je me trouve. 12 Je sais vivre dans l'humiliation, et je sais vivre dans l'abondance. En tout et partout j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance et à être dans la disette. Lire la suite

Quelques années plus tard, dans les épîtres pastorales, le soin des veuves (c'est-à-dire de celles qui étaient parmi les plus vulnérables sur le plan socio-économique) semble même s'être organisé et institué.

9 Qu'une veuve, pour être inscrite sur le rôle, n'ait pas moins de soixante ans, qu'elle ait été femme d'un seul mari, 10 qu'elle soit recommandable par de bonnes oeuvres, ayant élevé des enfants, exercé l'hospitalité, lavé les pieds des saints, secouru les malheureux, pratiqué toute espèce de bonne oeuvre.

17 Si quelqu'un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui ?

Pourquoi ce souci de générosité et de sollicitude envers les nécessiteux ?

Une pratique ancrée dans la tradition judaïque...

On pourrait sans doute évoquer les nombreuses consignes de l'Ancien Testament qui martèlent l'importance de prendre soin des membres faibles de la société: la veuve, l'orphelin, le lévite et l'étranger.

Le judaïsme de l'époque, on le sait, avait une pratique très développée d'aumônes et d'hospitalité à l'intention des pauvres . La communauté de Qumrân pratiquait même le partage des biens de façon systématique , ce qui est d'ailleurs vrai de l'ensemble du mouvement essénien que nous font connaître les écrits de l'Antiquité .

Il y a donc là des éléments de rapprochement intéressants.

...mais aussi un témoignage de la puissance du Christ !

Cette tradition ne suffit pourtant pas à tout expliquer, car dans le texte d'Ac 4,32-35, le partage communautaire va de pair avec la précision qu'«avec une grande puissance, les apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus» (v. 33).

L'action de l'Eglise naissante est, en fin de compte, la conséquence pratique de la résurrection qu'annonce et explique le témoignage apostolique. La générosité et le détachement évident à l'égard des biens matériels fait partie d'une sorte d'«onde de choc» provoquée par le tombeau vide.

(...)

Vivre l'Evangile

Nous avons là l'explication à la fois la plus immédiate et la plus profonde de l'action de l'Eglise primitive envers les pauvres. Il ne s'agit pas d'alléger simplement, dans un souci humanitaire, les souffrances des nécessiteux, encore moins de vouloir éliminer la pauvreté en tant que fléau socio-économique.

L'action de l'Eglise au Ier siècle se comprend bien plutôt comme l'expression concrète de l'Evangile – de l'Evangile qui proclame la seigneurie de Jésus le Messie.

En d'autres termes, l'Eglise primitive s'est efforcée d'être une manifestation tangible du règne de Dieu qui s'est concrétisé en Christ et qui s'achèvera dans le royaume éternel; là où, pour reprendre les paroles du Deutéronome, «il n'y aura plus d'indigent».

Que pouvons-nous retenir de tout cela pour notre époque ?


d'après l'extrait d'un texte de Donald Cobb, « Entre l'action de Jésus et l'engagement de l'Eglise en faveur des pauvres, quel lien ? », dans Pauvreté, Justice et Compassion, collection Le Défi Michée, Editions LLB, pp 36-40.

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