Shahbaz Bhatti a été assassiné !

Le ministre pakistanais des minorités Shahbaz Bhatti a été abattu mercredi en milieu de matinée devant son domicile à Islamabad. Ce chrétien de confession catholique, le seul du gouvernement, avait pris position contre la loi sur le blasphème. Il avait publiquement défendu la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en première instance.

Selon des témoins et la police, trois ou quatre hommes armés dans une voiture blanche Suzuki ont visé la berline noire de Shahbaz Bhatti. Plus de 50 coups de feu ont été tirés pendant plusieurs minutes. Avant de s'enfuir, les hommes armés ont disséminés des brochures sur la chaussée mouillée expliquant que le ministre avait été assassiné à cause de son opposition à la loi sur le blasphème. Des tracts signés par les talibans pakistanais et Al-Qaïda. Le chauffeur de Shahbaz Bhatti a survécu à l'attaque. Il a immédiatement conduit le ministre à l'hôpital de Shifa. Mais Shahbaz Bhatti est mort pendant le trajet.

Un porte-parole des taliban, Sajjad Mohmand, a revendiqué l'assassinat du ministre. « C'était un blasphémateur, tout comme Salman Taseer », a dit Mohmand par téléphone. Le mois dernier, dans une interview au journal Christian Post, Bhatti avait révélé avoir reçu des menaces d'un chef taliban. « Je ne crois pas que des gardes du corps puissent me sauver, après ce qui est arrivé à Salman Taseer. Je crois en la protection du Ciel. »

Wajid Durrani, inspecteur général de la police à Islamabad, a déclaré que le gouvernement fédéral avait attribué plusieurs gardes du corps au ministre, mais qu'aucun garde du corps n'était avec lui au moment de l'attaque.

Robinson Asghar, un proche de Shahbaz Bhatti a déclaré que le ministre avait maintes fois demandé au gouvernement fédéral une voiture blindée après l'assassinat il y a deux mois du gouverneur du Penjab, Salman Taseer, sans succès. Asghar, dont le bureau se trouve en face de la maison de Bhatti, s'est précipité hors de son immeuble quand il a entendu des tirs. Il a trouvé son ami affalé dans le siège arrière de la voiture, couvert de sang.

« C'est quelque chose que notre communauté minoritaire jamais mérité », a déclaré Asghar, parlant de « honte pour toute la nation ».

Le directeur du bureau de presse du Saint-Siège, le Père Federico Lombardi SJ a jugé ce matin qu'il s'agissait d'« un nouvel acte de violence d'une terrible gravité ».

Ali Dayan Hasan, chercheur de Human Rights Watch, a qualifié le meurtre de Shahbaz Bhatti de « grave revers pour la lutte pour la tolérance, le pluralisme et le respect des droits de l'homme au Pakistan. »

« Je condamne fermement le meurtre d'un membre du gouvernement qui était bien connu pour sa défense de l'égalité et des droits de l'Homme », a quant à elle déclaré Catherine Ashton, Haute représentante de l'Union Européenne pour les Affaires étrangères dans un communiqué.

« Je suis également profondément préoccupée par le climat d'intolérance et de violence liée au débat sur les lois controversées sur le blasphème », a-t-elle ajouté.

Catherine Ashton a demandé aux autorités pakistanaises « de faire tout leur possible » pour assurer la protection des membres du gouvernement et de la société civile qui demandent d'amender la loi contre le blasphème.

Début décembre, des groupes terroristes avaient lancé une fatwa contre le ministre, le traitant d'« objectif légitime » devant « être tué en tant que complice de blasphème ».

Le même mois, Shahbaz Bhatti déclarait à l'agence Fides :

« Les menaces et les tentatives d'intimidation se succèdent. J'en prends toujours connaissance avec préoccupation mais la mission de ma vie est de protéger la liberté religieuse, les droits des minorités, la justice et l'égalité : je continuerai à le faire sans hésitation. »

Côme Dubois (sources : Los Angeles Times, DH, AFP et Rome Reports)

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