Des chrétiens sont agressés, la justice égyptienne les emprisonne à vie

Alors que l'Egypte vit au rythme de l'élection présidentielle dans l'issue de laquelle les minorités n'espèrent pas d'amélioration de leur sort, la justice du pays vient de condamner à de la prison à vie douze chrétiens qui s'étaient défendus lors d'une attaque de musulmans radicaux et a acquitté les agresseurs qui avaient incendié leur village. La décision de la Cour de sûreté de l'Etat n'est pas susceptible d'appel à moins que le Conseil militaire ne demande un nouveau procès.

Les chrétiens ont été condamnés pour trouble à l'ordre public, possession d'armes et les meurtres de deux de leurs agresseurs ainsi que pour les blessures occasionnées à deux autres. Réfugiés sur leurs toits, ils avaient dû tirer dans la foule pour se protéger. Les huit musulmans comparaissaient, quant à eux, pour détention d'armes et incendie de maisons.

Tout a débuté en avril 2011, dans la province de Minya, avec le coup de sang d'un chauffeur de minibus en raison de la présence d'un ralentisseur devant la maison d'un chrétien aisé qui avait, à ses dires, endommagé son véhicule. Après en être venu aux mains avec les gardes de la propriété, et dès son retour dans son village, le chauffeur a réuni plusieurs personnes en vue de se venger du mal dont il affirmait avoir été victime. A ce groupe de représailles, se sont joints d'autres constitués de musulmans extrémistes. Ils ont alors encerclé les maisons des chrétiens en vue de les attaquer. Pris de panique, ces derniers ont fait usage de leurs armes à feu. Les jours suivants, les musulmans radicaux ont incendié des douzaines de maisons et de commerces pour venger la mort de leurs coreligionnaires. Un Copte a été tué, une femme âgée a été jetée par le balcon depuis le deuxième étage de sa maison et dix autres chrétiens ont également été hospitalisés. L'une des échoppes détruite par le feu se trouvait pourtant à une cinquantaine de mètres d'une station de police. Cette attaque s'inscrivait dans un contexte de fuite des chrétiens du pays, peu de semaines après la chute du président Moubarak. Selon l'évêque de la province, les deux musulmans tués l'avaient été dans une rixe avec d'autres musulmans mais l'histoire avait ensuite été modifiée pour retourner ces décès contre les Coptes. Qu'il y ait eu ou non torsion de l'histoire, il reste que le tribunal a déformé le sens de la justice.

Une décision idéologique déjà prise avant le procès ?

C'est au cours d'un procès qu'est censé se dégager une vérité dans une affaire soumise à un juge. Cela signifie qu'en débutant l'instruction et le procès, la justice ne doit pas avoir de parti pris, être prête à se laisser surprendre. Pour Ishak Ibrahim, un chercheur en droit égyptien, « L'acquittement des huit musulmans montre que l'enquête du procureur est injuste et mauvaise depuis le début, car il y avait des preuves claires quant à leur culpabilité dans l'incendie des propriétés des chrétiens. » Une enquête orientée, à décharge pour les musulmans, à charge pour les chrétiens achevée par une décision qu'aurait renié la balance d'Anubis chargée de peser les âmes au seuil de l'au-delà.

La loi égyptienne est profondément marquée par la charia mais les chrétiens sont théoriquement considérés comme des justiciables égaux aux autres. Le magistrat doit rendre la justice sans acception de personne, ses préférences ne peuvent entrer en ligne de compte. Sans cela, ou même s'il se bornait à simplement les exprimer sans en tenir compte dans un procès, sa décision serait entachée de suspicion, car il ne suffit pas que la justice soit impartiale, il faut également qu'elle en donne le sentiment, dit l'adage juridique anglo-saxon probablement connu sous le protectorat britannique. Et pourtant, douze hommes ont été condamnés à la prison à vie pour s'être défendus quand d'autres, auteurs de crimes, ont été relaxés. Ce disant, la Cour a fait montre d'esprit partisan, et la seule souveraineté du jugement réside non point dans l'application des principes de l'Etat de droit mais dans le bon vouloir de magistrats soumis à leurs penchants. On ne sait si la cruauté de la décision réside davantage dans la sévérité de la peine ou dans le fait que le procès était joué d'avance. Chacun des douze hommes aura le reste de ses jours pour éprouver plus d'incompréhension et d'amertume devant l'une ou l'autre de ces causes de leur emprisonnement. Et vivre avec le sentiment d'impuissance devant la prévarication de juges se sentant au-dessus des lois.

Droit d'auteur : JD Amadeus d'Aigre de Ruffec

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