Je veux bien pardonner, MAIS
C'est une phrase qu'on a beaucoup entendue. Nous avons tous, à un moment donné, été confrontés à ce dilemme : je suis chrétien, j'ai été offensé, Dieu me demande de pardonner, MAIS.
Et ce « mais » a plusieurs justifications qui pourraient sembler légitimes :
- Je veux bien pardonner, mais….
- Le mal est irréparable
- La personne qui m'a offensée ne s'est pas repentie et ne m'a pas demandé pardon
- La personne continue à faire le mal
- Après ce qu'elle m'a fait, c'est impossible !
- Je voudrais bien pardonner, mais je m'en sens incapable
Vous vous reconnaîtrez sans doute dans quelques-unes de ces déclarations. Le pardon est un sujet dont on parle souvent entre chrétiens. On sait pertinemment qu'on doit pardonner, que nous-mêmes ne devons notre salut qu'au pardon que Dieu nous a accordé. Cependant, on s'en sent incapable pour toutes ces raisons.
Nous sommes d'accord avec le concept mais….
Nous sommes de bonne volonté, nous sommes d'accord avec le concept, mais comment réellement pardonner à ceux qui nous ont offensés ?
Regardez avec moi dans Matthieu 6, Jésus fait cette déclaration terrible pour celui qui ne veut pas pardonner : « Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi, mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus ! »
La perspective est sans appel et sévère ! Elle a de quoi faire trembler.
Il y a beaucoup de clichés concernant le pardon
On voit la réconciliation en larmes de deux ennemis jurés, on se souvient de témoignages poignants de personnes qui ont pardonné l'impardonnable, des soldats ennemis de la guerre de 14 qui se serrent la main le soir de Noël. On a parlé récemment du pardon accordé par une communauté Amish de Pennsylvanie au tireur fou qui a exécuté des fillettes innocentes dans leur école.
Quel est le sens de pardonner?
Que dit réellement la Parole de Dieu ? Qu'est-ce que Dieu nous demande vraiment quand il nous dit de pardonner ?
Dans le Nouveau Testament, lorsqu'il s'agit de « pardonner », dans le texte grec, deux verbes sont utilisés et cela nous éclaire beaucoup :
Le premier verbe, de très loin le plus utilisé, est aphiemi, c'est lui qu'on retrouve dans les versets comme « Pardonne-nous nos offenses… », « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font… »
Ce verbe veut dire « relâcher », « laisser aller », « ne pas résister », « abandonner ». Tous les versets qui parlent de pardon dans les évangiles emploient ce verbe-là. De très rares fois, dans les lettres de Paul, un autre verbe a été traduit par « pardonner » dans certaines traductions, c'est Charizomai, qui veut dire « remettre une dette », « accorder une grâce bienveillante ».
Partout dans les évangiles Jésus nous demande de pardonner
Quand Pierre s'approche de Jésus et lui dit (Matthieu 18:21) : « Seigneur combien de fois pardonnerai-je à mon frère lorsqu'il péchera contre moi ? » C'est aphiemi qui est employé. (c'est-à-dire Combien de fois relâcherai-je les péchés de mon frère).
Quand Jésus voit la foi du paralytique dans Marc 2:5, il lui dit : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés » (c'est-à-dire Tes péchés sont relâchés).
Partout dans les évangiles, quand Jésus nous demande de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, il ne nous demande pas de redevenir les meilleurs amis du monde, ni de gommer tout ce qui s'est passé, il nous dit juste de « relâcher », de ne pas se cramponner au souvenir de ce qui a fait mal, de « laisser partir » comme un ballon part au vent.
On le comprend très bien dans Jean 20:23 :
L'opposé de « pardonner », c'est « retenir ».
On ne nie pas le tort qui a été fait, on ne minimise pas l'offense, on reconnaît ce qui a été fait ou dit, mais on laisse aller, on relâche. Pas parce qu'on a envie de le faire, mais parce que c'est un ordre que Dieu nous donne.
Plusieurs me rétorqueront : « Oui mais il faut se réconcilier, il faut faire du bien à nos ennemis ! C'est biblique ! » Je suis tout à fait d'accord, Dieu nous appelle à cela. Mais ce sont deux dossiers différents.
Le pardon est unilatéral. La réconciliation est mutuelle.
On peut pardonner à quelqu'un qui n'a pas demandé pardon, à quelqu'un qui est décédé ou disparu sans laisser d'adresse. Le pardon, c'est moi seulement, avec Dieu pour témoin. Je laisse aller, et je laisse Dieu se charger du jugement, de la condamnation éventuelle de l'offenseur, ou même de la vengeance, car « à lui reviennent la vengeance et la rétribution ». (Deutéronome 32:35; Romains 12:19)
Par contre, pour se réconcilier, il faut au moins deux personnes et c'est entre les deux que ça se passe.
Pardon et réconciliation sont deux choses distinctes.
L'urgence, c'est de PARDONNER à ceux qui nous ont offensés, car de cela dépend le pardon de Dieu pour nous-mêmes, notre paix, notre santé. Le manque de pardon est une gangrène, alors que le pardon est une libération.
C'est la première étape incontournable, le préalable pour d'autres actes d'amour qui se présenteront plus tard.
Dieu nous amènera un jour sur le terrain de la réconciliation ou celui de faire du bien à notre ennemi, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, ni la priorité. Aujourd'hui, nous devons pardonner, laisser aller de tout notre cœur les offenses qui nous ont été faites, et nous n'avons plus aucune raison valable de dire : « Je veux bien pardonner, MAIS ».