Les aventures d'Alain Auderset en Inde (Page 2 / 4)
India - partie 2
Des larmes, c'est rien…
À peine le taxi m'a-t-il déposé que déjà il disparaît, happé par l'affluence de la circulation. Autour de moi, il n'y a que des gens ; il y en a partout et tout le temps.
Ils passent, vendent, fixent le vide, dorment à même le sol (à moins que ce soit un mort).
La misère sous toutes ses formes habite ici.
Il y a une telle soif d'espérance qu'on est prêt à prier même n'importe quel objet, arbre, statue dans l'espoir d'y étancher sa soif de Divin. C'est un monde oublié des chrétiens bien pensants et, partout, je vois tellement de gens perdus… tellement…
Tout au long de cette première nuit en Inde, des éclats de bruits de rue grimpent le long des parois pour s'infiltrer par les fenêtres mal isolées de ma chambre d'hôtel et chatouillent mon sentiment de sécurité occidental.
Devant l'ampleur de cette misère qui m'a frappé au visage, je suis totalement démuni. Seul, assis sur mon lit, je prie pour ce pays. J'ai le cœur brisé, il n'y a rien que je puisse leur apporter sinon mes larmes qui perlent le long de mes joues pour eux… Jésus, mon maître, silencieux mais présent au pied du lit, saura peut-être en faire quelque chose… (?)
Voyage au bord du monde
Dès que les responsables m'ont rejoint, le vieux cliché du missionnaire blanc au casque colonial s'est fait la malle. Ici, la mission est gérée par et pour des Indiens…
Ce sont eux qui me guident à travers la jungle humaine de ce pays jusqu'a notre prochain rendez-vous.
Nous voyageons en science-fiction (ou en train, c'est pareil !). La porte du vieux train fatigué est grande ouverte et je m'assois comme au bord de l'eau pour tremper mes pieds dans le vide juste au-dessus du sol qui défile. A tout moment, je m'attends aux remontrances d'un contrôleur derrière mon dos qui avec son accent suisse allemand, me dirait:
– Nein, verboten (interdit) ! Ça on ne peut pas faire!!
Mais non, ici les gens ne sont pas infantilisés, c'est cool. (Peut-être qu'en Suisse nous ne sommes pas si libres qu'on le prétend…?) Au bord des voies de chemin de fer des gens, toujours des gens… Que font-ils? Ils regardent le temps passer ? Ils me sourient volontiers et je vois bien que ça vient du coeur… (Cette fois c'est sûr : je suis sur une autre planète!)
Nous passons devant une décharge publique qui n'en finit plus, des gens y défèquent sans aucune gêne. A un jet de pierre plus loin, un enfant affamé cherche sa nourriture quotidienne dans les gravats malodorants.
Devant une cabane de fortune, construite à l'aide des matériaux jonchant le sol, toute une famille m'observe, silencieuse. Voilà comment vivent la majorité des habitants de ma planète ! C'est insupportable. Heureusement que mes larmes me troublent ma vue. La rage au coeur, je me saisis de mon crayon et leur dessine comme dans un cri de désespoir :
– Vous n'êtes pas oubliés!! Vous êtes précieux, Dieu vous aime, son Fils est né parmi vous!!! Courage!
(Un jour mon dessin leur parviendra…)
Persécutions
Le centre d'accueil de la mission est un oasis de paix tangible, libéré de l'oppression latente que l'on ressent un peu partout ailleurs. En plus d'être notre lieu de rendez-vous, c'est aussi celui des responsables d'église venus de tout le pays. Certains ont dû affronter des distances démesurées pour y parvenir.
Dès mon arrivée, on m'a recommandé la discrétion car, même si l'Inde se targue d'être le plus grand pays démocratique du monde, la liberté d'expression est toujours assise en salle d'attente. Les hindous croient aux castes, les personnes « mal nées» ne sont même pas considérées comme des animaux, elles endurent avec acceptation mépris et esclavage. Ce n'est pas d'argent, mais d'un changement de mentalité qu'ont besoin les pauvres pour s'en sortir. Quand ils apprennent que le Fils de Dieu en personne les aime et a pris leur condition, qu'ils sont inestimables à ses yeux, leur vie change radicalement et se libère de la fatalité. N'étant plus condamnés à être une caste inférieure, ils se prennent en main.
Les hautes castes, outrées de perdre une main-d'oeuvre gratuite, poussent les fanatiques religieux hindous à la révolte.
5 000 chrétiens de la région d'Orissa ont vu leurs maisons brûlées, leurs femmes violées et leurs pasteurs sauvagement tués à coups de couteau. Les familles qui ont pu s'échapper ont trouvé un « abri » dans la jungle. Mais celle-ci est habitée par d'autres prédateurs tels que le tigre et la maladie…
Les responsables des différentes communautés se consultèrent : devaient-ils prendre les armes pour se défendre ?
Tous, d'un commun accord, optèrent pour la non-violence qu'enseigne le Christ. Et ils décidèrent de pardonner…
Lors de ma première nuit en Inde, j'ai une idée de dessin qui permettrait de présenter Jésus à quelqu'un qui ne sait pas lire et n'aurait pas dans son bagage la culture occidentale chrétienne en option.
L'Esprit du créateur symbolisé par ses deux mains indique le chemin à celui qui désire vraiment trouver la voie. Cela demande d'être attentif aux signes et à Sa voix qui chuchote dans le brouhaha du monde à celui qui est sincère.
Cela demande d'avoir le recul que donne la sagesse pour se rendre compte que les petits chemins faciles que la société nous propose tout au long de notre chemin sont attrayants, bien vendus, mais que leur fin est la ruine. (Image tirée de la BD Idées reçues 3).