Maroc : L'épuration religieuse se poursuit en toute illégalité et impunité
Plusieurs familles françaises concernées.
Le Maroc a franchi un nouveau pas dans la chasse aux chrétiens et l'épuration religieuse en cours. Cette fois la police sépare des couples binationaux, chassant des épouses étrangères de Marocains alors qu'elles étaient en situation régulière.
Durant le premier week-end de juillet, huit chrétiens étrangers ont été expulsés du Maroc, portant à 130 le nombre de personnes déportées depuis le début de l'année, dont plusieurs familles françaises. Une Espagnole et une Libanaise, toutes deux mariées à un Marocain, font partie de cette troisième vague de renvois.
La chrétienne libanaise, à qui on avait diagnostiqué un cancer le mois dernier, est maman d'une fillette de six ans qu'elle a été forcée à laisser sur place. Aucun argument n'a pu infléchir les autorités.
Expulsés du jour au lendemain
Plusieurs faits identiques ressortent des interviews réalisées auprès des chrétiens étrangers expulsés. La veille du week-end, des policiers en civils convoquent ces étrangers oralement, jamais par écrit, au poste de police. Ils doivent s'y rendre dès le lendemain matin. Là, on les force à signer des « aveux », en arabe, aveux dont ils ne reçoivent aucune copie.
Les expulsés ne peuvent emporter qu'un minimum d'effets personnels, et certains perdent le fruit de plusieurs années de travail. Plusieurs sont entrepreneurs et fournissaient un emploi à de nombreux Marocains. Puis, la police communique à leur ambassade ou aux médias locaux, que telle personne a été expulsée pour prosélytisme et qu'elle a avoué « avoir ébranlé la foi d'un musulman ».
Procédures illégales
En toute illégalité, on empêche les expulsés de contacter leur ambassade, un avocat ou encore de faire appel à la justice. Puis on leur intime l'ordre de quitter le territoire dans les 48 heures, sous prétexte qu'ils sont un « danger imminent » pour la sécurité nationale. Selon la loi marocaine, une personne ayant résidé plus de dix ans au Maroc, (ce qui est le cas de bon nombre des 130 étrangers expulsés en raison de leur croyance chrétienne depuis mars dernier) ne peut être expulsée du territoire, de même que le conjoint d'un citoyen marocain. Pour ceux disposant d'une carte de séjour, en cas de révocation par l'autorité compétente, la loi prévoit qu'ils puissent faire appel dans les 15 jours auprès du tribunal.
Espionnés par la police
A la question : « avez-vous fait du prosélytisme ? », les réponses des chrétiens expulsés varient. Certains admettent avoir donné une bible de temps à autre à des personnes qui la leur demandaient. D'autres discutaient volontiers chez eux ou dans un lieu public lorsqu'on leur posait des questions sur ce que croit un chrétien. Mme B., expulsée le mois dernier, précise:
« Avant 2006 il régnait encore un vent de liberté au Maroc. Mais depuis, nous avons appris comment nous étions surveillés. Ils sont même capables de pirater les téléphones portables et de les convertir en micro-espions. Nous ne pouvions plus faire confiance à personne. » Et son mari de surenchérir. « Nous avons même découvert par hasard, qu'à chaque fois qu'on m'appelait sur mon mobile, le chef de la police décrochait le sien et écoutait mes conversations. »
« Nous n'avons rien fait d'illégal »
Frédéric* qui habite désormais en France, se défend d'avoir fait du prosélytisme au Maroc : « Nous n'avons jamais essayé de convaincre qui que ce soit de devenir chrétien, ou que notre foi serait meilleure que la sienne. Nous n'avons jamais essayé de tromper ou de séduire des Marocains. Mais vous comprenez, le discours officiel à destination des Marocains est : Il y a une seule religion qui pratique le bien, l'islam, et vous devez la suivre. Dans le même temps, tout le monde nous voit pratiquer le bien et nous ne cachons pas le fait que nous sommes chrétiens. Cela revient à démontrer que les autorités ont menti, qu'il existe plusieurs voies possibles pour pratiquer le bien. Dans ce sens je peux comprendre que nous soyons une menace pour la crédibilité du gouvernement marocain, mais encore une fois, sans avoir jamais rien fait d'illégal ni de sournois. »
* Noms d'emprunt. Les personnes interrogées par Portes Ouvertes ont systématiquement toutes requis de conserver l'anonymat.