Un ennemi corriace: l'introspection
Cet article a été rédigé en Février 1986 par notre regretté frère G. Ramseyer. Il garde cependant une saveur toujours très actuelle et on le lira et méditera avec beaucoup de profit.
En tant qu'évangéliste, il m'arrive d'être invité chaque année dans la même église pour y prêcher l'Evangile. Cette confiance et communion spirituelle réciproques sont tout à fait positives. Mais, plus souvent que nous ne le souhaiterions, nous constatons des “blocages” dans la vie de certains chrétiens et chrétiennes pourtant sincères. Eprouvant de graves difficultés dans leur vie spirituelle et quotidienne, ces frères et soeurs en la foi les traînent comme des boulets, et ceci durant de longues années. Le principal “blocage” est sans doute l'incapacité chronique qu'ils subissent et qui les empêche d'être délivrés ou d'assumer leur passé. Ils souffrent de cet état de fait et cherchent dans leur entourage (et bien au-delà) le “conseil-miracle” qui seul pourra les apaiser et les délivrer.
QUELQUES SOLUTIONS PROPOSÉES
En gros, deux voies de guérison leur sont offertes. La première est à manier avec beaucoup de prudence. Comme on a souvent dit à ces victimes du stress qu'à l'origine de tout désordre il y a une emprise diabolique, ils sont allés voir des serviteurs et des servantes de Dieu se considérant comme des spécialistes du ministère de délivrance. Mais cette démarche n'ayant pas apporté les résultats escomptés, ils ont choisi l'introspection, solution apparemment mieux adaptée pour résoudre leurs problèmes personnels.
La deuxième voie proposée est plus subtile. Pour aider ceux qui se sentent mal dans leur peau, on leur propose de faire un bout de chemin avec eux sous forme d'entretiens directifs susceptibles de connaître et de supprimer la cause profonde de leurs souffrances intérieures. Les chrétiens appellent cure d'âme ou entretiens spirituels cette forme de thérapeutique. Les milieux médicaux officiels préfèrent parler de psychothérapie ou de psychanalyse. Peu importe les termes. Dans les deux cas, le “patient” est appelé à scruter encore et toujours son passé, donc à faire de l'introspection.
MISE AU POINT IMPORTANTE
Que les choses soient bien claires. Personnellement, je crois qu'il n'est pas mauvais de vouloir remonter aux sources des traumatismes humains afin de mieux les guérir. Mais cela admis, permettez-moi de poser quelques questions :
Est-il normal qu'un chrétien ressasse sans cesse son passé alors que la Bible dit :
Les personnes qui prétendent faire de la cure d'âme ont-elles toutes les qualifications spirituelles nécessaires pour explorer le dedans des coeurs ? Ne jouent-elles pas avec le feu ?
Acceptent-elles par avance d'assumer les mauvaises conséquences d'éventuelles maladresses ?
SOLUTIONS HUMAINES, SOLUTION DIVINE
Sur le fronton du temple païen de Delphes (où, par ailleurs, la pythie exerçait la divination) était inscrite cette simple phrase : “Connais-toi toi-même”. Oui, les païens et les humanistes croient que toute personne possédant certaines techniques humaines ou magiques est capable de comprendre et de bien orienter les causes et les motivations profondes de tout être humain. Or, la Bible attire notre attention sur une toute autre voie. Elle dit même:
En lieu et place de l'intelligence humaine limitée, elle propose deux moyens d'investigation fiables à 100% : le Saint-Esprit et la Parole de Dieu.
1°) Rôle du Saint-Esprit
Dans Rom. 8/27, il est dit que le Saint-Esprit peut recueillir nos soupirs inexprimables et Dieu, qui sonde les coeurs, connaît quelle est la pensée de l'Esprit, parce que c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints.
2°) Rôle de la Parole de Dieu
L'auteur de l'épître aux Hébreux affirme que la Parole de Dieu a, au même titre que le Saint-Esprit, cette faculté surnaturelle de révéler les secrets de l'inconscient :
Ainsi, pour des chrétiens, je pense qu'en dehors du Saint-Esprit et de la Parole de Dieu, toute introspection personnelle ou provoquée par une tierce personne est dangereuse. L'intelligence humaine étant limitée pour saisir la complexité de ce qui mijote “au-dedans” de chaque coeur, il paraît certain en tout cas que les résultats ne peuvent être que partiels.
NON À L'INTROSPECTION MALADIVE OUI À L'OEUVRE DU SAINT-ESPRIT
Mais, me direz-vous, le fils prodigue est “rentré en lui-même” avant de prendre la décision de retourner vers son père (Luc 15/17). Oui, mais cette démarche, qui est la preuve évidente d'une véritable repentance, porte la marque du Saint-Esprit, et n'a rien à voir avec l'introspection négative et angoissante que certains subissent quasiment jour et nuit.
Il en est de même de David qui refuse de “s'introspecter” en demandant à Dieu lui-même de sonder son coeur :
Il faut donc oser dire non à la pratique de certaines cures d'âme qui durent trop longtemps, voire des années. Par contre, il faut prononcer un oui franc et massif lorsque, sous l'inspiration du Saint-Esprit et devant le miroir de la Parole de Dieu, tout ce qui était obscur est mis en lumière une fois pour toutes. Certes, dans les deux cas, il y a eu dialogue entre un patient malade et un écoutant attentif. Mais il y a eu, lors de la première intervention humaine, l'application de techniques durant de longs et pénibles entretiens laissant souvent des séquelles traumatisantes durables. Par contre, lors de la deuxième intervention, c'est le Saint-Esprit qui a mis en lumière une fois pour toutes les blessures intérieures du patient malade, pour les guérir aussitôt.
A QUAND LES ÉCOLES HAUTEMENT SPÉCIALISÉES ?
Au train où vont les choses, on verra bientôt fleurir dans nos milieux évangéliques des écoles spécialisées sur l'art de pratiquer l'introspection, de chasser les démons, de supporter la souffrance, d'exercer les dons spirituels, de devenir apôtre, etc, etc... tant l'imagination humaine paraît illimitée. Quelle tristesse d'en arriver là ! Depuis Prométhée, l'homme ne cesse de vouloir se substituer à Dieu et au Saint-Esprit.
Naïveté ou immaturité spirituelle ?
Tout cela n'est-il que pure supposition ? Non. Il suffira qu'un prédicateur plus ou moins connu, parlant de préférence une langue étrangère, insiste sur tel ou tel point de doctrine, et des écoles naîtront et disparaîtront selon les effets immédiats produits lors de son passage. Selon l'impact d'un tel homme, on parlera plus particulièrement durant six mois de guérison intérieure. Puis viendra quelqu'un d'autre, et durant six autres mois on parlera de démons. Qu'à cela ne tienne. Qu'un prédicateur traverse les mers et présente les églises de maison comme la panacée universelle, et une nouvelle école verra le jour, et ainsi de suite.
L'oeuvre de la croix serait-elle imparfaite, insuffisante ?
Je ne plaisante pas. Il a suffi qu'un prédicateur passe dernièrement quinze jours en France pour que des centaines de chrétiens mal affermis voient à nouveau des démons partout, en prétendant les chasser à tour de bras. Y aurait-il des modes, des cycles parmi le peuple de Dieu ? Le cas échéant, faut-il les accepter en haussant les épaules et dire “ça passera” ? Ce serait grave de raisonner et d'agir ainsi.
Je pourrais dresser la liste de théories et de pratiques bizarres qui, semblables à des étoiles filantes, ont éclairé ces derniers temps le ciel de l'immaturité spirituelle de trop de chrétiens. Une seule me permettra de conclure : l'abus de l'introspection et la répétition d'entretiens qui n'ont souvent rien de spirituel.
Revenir sur des péchés du passé, pour lesquels les intéressés ont demandé et obtenu le pardon de Dieu, me paraît être une erreur très grave. A y réfléchir de plus près, c'est laisser croire que l'oeuvre de Jésus, accomplie sur la croix une fois pour toutes, ne serait ni parfaite, ni suffisante. La Parole de Dieu est pourtant claire à ce propos. Dieu ne se souvient plus de nos péchés pour lesquels nous nous sommes humiliés, et pour lesquels nous lui avons demandé pardon. Ils sont comme enfouis au fond de la mer (Michée 7/19). Alors, dites à tous ceux qui n'ont pas compris cette vérité essentielle, et qui souvent essaient de vous dominer sous le feu de leurs questions indiscrètes : “Mon esprit, mon âme et le dedans de mon coeur appartiennent à Jésus”. Il a tout pardonné, tout effacé. Il n'y a plus de vase à remuer. Tout est devenu clair lorsqu'à ma conversion j'ai avoué à Dieu toutes mes fautes du passé qui ont fondu comme neige au soleil de la grâce. Il faut le répéter. Revenir sans cesse sur des péchés pardonnés, particulièrement ceux commis avant notre conversion, est beaucoup plus grave qu'il n'y paraît. C'est douter du pardon de Dieu, c'est en fait le profaner.
Pour donner plus de poids à mon exhortation finale, permettez-moi de remplacer le mot introspection par le verbe ruminer. Alors, laissez-moi vous dire : “Dans votre solitude, ne “ruminez” plus. D'ailleurs, ne permettez à personne de fouiller dans votre passé pour lequel vous avez demandé pardon à Jésus. Il a tout effacé”.