Saisi par ce Dieu que je combattais
Je suis le cadet d'une famille de quatre enfants, dont trois filles. J'ai grandi dans la campagne québécoise ou dans une petite ville, jamais bien loin du Fleuve Saint-Laurent ou de la nature. Jeune, je peux dire que j'étais réceptif à l'idée de Dieu, sans que cela change quelque chose dans ma vie. En fait, je crois que j'avais rarement des réponses, sinon jamais, à mes quelques prières.
Je me souviens par exemple qu'un soir, vers l'âge de 17 ans, parcourant brièvement des extraits des quatre évangiles, j'avais fermé le livre avec un sentiment de désillusion. Jésus était mort, et ne pouvait plus rien pour notre époque.
À partir de ce moment, cette réceptivité de l'enfance et de l'adolescence s'est soudainement refroidie. Toujours sous une apparence de bon gars, j'en suis venu à explorer les drogues, durant quelque temps, en compagnie de mon meilleur ami et de sa copine. Mes croyances se sont rapidement tournées vers la réincarnation, et vers une notion d'énergie à l'origine de l'organisation de notre univers. Les cosmogonies extra-terrestres continuaient aussi de faire partie de ma toile de croyances.
J'en suis progressivement venu à haïr jusqu'à l'idée même du Dieu de Jésus-Christ, et de ce que je percevais comme le Christianisme. C'est alors que j'ai commencé à assembler faits, idées et arguments qui pourraient libérer les gens de ce que je percevais comme la superstition chrétienne ou de toute autre religion.
Il faut dire que, comme jeune adulte, ma connaissance de la foi chrétienne dans le monde était assez limitée. À l'école, on se gardait bien de nous dire que la majorité du Canada anglais et des États-Unis confessaient d'autres variantes du Christianisme. Dans les médias du Québec, comme aujourd'hui souvent encore, quand les annonceurs disaient «l'Église», c'était comme s'il allait de soi qu'il n'y en avait qu'une.
Quand donc j'ai déclaré la guerre au Christianisme et aux religions, c'était avec ce que j'en connaissais, mais surtout parce que je n'avais jamais vu Dieu agir, ou pris véritablement conscience de sa présence.
Quelques jours après que je me suis mis à cette tâche, un étudiant croyant (chrétien), que je côtoyais assez souvent à la cafétéria, mais dont j'ignorais le cheminement spirituel, vint frapper à ma porte, dans les résidences du campus collégial. Devant sa question, à savoir si je croyais en Jésus-Christ, je lui ai répondu que la religion ne m'avait jamais rien apporté. Et j'avais raison.
Durant les premières années de ma vie, j'avais peu connu mon père qui travaillait dans les chantiers du Grand Nord québécois (les centrales hydro-électriques Outarde et Manic). Revenu avec une maladie qui gagnait sur lui, et bon fumeur, il nous quitta frappé d'un infarctus, un mois avant d'atteindre ses 50 ans. Moi j'allais avoir 10 ans à l'été. Je l'ai pleuré à mon adolescence quand j'ai réalisé comment j'aurais eu besoin de lui.
Mais je n'ai jamais accusé Dieu de mes souffrances.
Je me souviens de ces dimanches de la première année suivant son décès, où ma mère était assise seule à la fenêtre, attendant quelqu'un qui ne venait jamais. Mes soeurs, toutes plus âgées que moi, avaient leurs activités ou leurs «chums». Nous avons donc déménagé dans une petite ville lorsque j'avais 11 ans. Là au moins, ma mère pourrait essayer de trouver du travail.
Mais elle allait assez vite nous quitter elle aussi. Son nouvel ami de coeur, veuf lui aussi, se révéla un alcoolique plutôt sombre. Après l'échec de leur relation d'environ deux ans ou un peu plus, il n'avait pas apprécié qu'elle le laisse suite à quelques tentatives infructueuses d'arrêter de boire. Quelques semaines après la rupture officielle, il l'invita chez lui dans un village à quelque distance (nous avions toujours conservé notre maison dans la ville où j'étais étudiant au secondaire, et où elle travaillait comme gouvernante pour un commerçant durant la semaine). Il prétexta le fait que ses enfants à lui s'ennuyaient d'elle, et au moment où ceux-ci étaient réunis dans une pièce de la maison, il la prit à l'écart, lui envoya une décharge de fusil de chasse, et s'enleva la vie. Nous ne la revîmes jamais vivante.
Nous apprîmes la nouvelle par la radio le lendemain, par une journée de tempête hivernale. Ma joie à la nouvelle des écoles fermées à cause des abondantes chutes de neige, laissa la place au drame. En des temps comme ceux-là, on pleure l'être perdu, mais on se pleure aussi soi-même. Elle mourut elle aussi quelques semaines avant ses 50 ans. J'allais avoir quinze ans.
Mais je n'ai jamais pensé en mettre la faute sur Dieu.
La démarche religieuse de mon enfance et de mon adolescence se résumerait à peu près à ceci: statuette de la Vierge made in Hong Kong sur mon bureau, et qui tombait chaque fois que j'en ouvrais le tiroir à crayons; messes (que j'arrêtai de fréquenter à treize ans); une tante religieuse que nous aimions beaucoup et qui représentait le clergé catholique pour nous (du moins pour moi); un crucifix que j'avais encadré d'un chapelet sur le mur près de la tête de mon lit (récupérés de la tombe de mon père); et cette lecture d'extraits des évangiles, sans l'ombre d'une révélation, un soir de mes 17 ans.
Après tout cela, pas davantage l'ombre de Dieu aux environs. Un silence total. J'en vins à ce sentiment d'avoir été trompé par un système.
Quand donc, au début de la vingtaine, cet étudiant prononça le nom de Jésus, alors que moi je venais de déclarer la guerre à Dieu et aux croyances religieuses (du moins celles que je percevais), je n'allais pas m'embarquer dans une religion.
Bien que je n'aie jamais accusé Dieu de mes maux, à l'inverse, je ne lui reconnaissais aucune faveur non plus.
«Je vais te dire franchement: la religion ne m'a jamais rien apporté!» Telle fut ma réponse. C'est alors qu'il me parla d'une relation personnelle avec Dieu et de quelques expériences personnelles. Après réflexion, qu'avais-je à perdre d'essayer?
Je fis un bout de chemin avec lui, puis avec la femme d'un pasteur, visiblement une ancienne hyppie, d'après son sac de cuir, ses cheveux et son style vestimentaire.
Un beau jour, dans une réunion toute simple: quelques étudiants autour de la Bible, avec cette femme pour animatrice, une guitare, quelques cantiques hors contexte pour des étudiants du cégep et quelques prières, je fus soudainement accroché par Dieu, sans que les autres en soient conscients. Le tout se passa en quelque sorte intérieurement. La réunion se poursuivait, mais je n'étais plus conscient de ce qui se disait autour. Au sortir de cette rencontre biblique, je réalisais que ma vie ne serait jamais plus la même, et que même si je cessais de marcher avec Dieu, même éventuellement dans la peau du pire des pécheurs, ma conscience de la réalité de Dieu ferait que je ne serais jamais le même.
J'avais bien déjà réalisé au cours des derniers mois, en lisant l'Évangile d'une manière plus suivie, que j'étais pécheur.
J'avais aussi été convaincu de la réalité de Dieu lors de certains événements personnels des dernières semaines.
Mais ce jour-là, Dieu m'a vraiment accroché d'une façon spéciale, à l'insu des autres. Jusqu'où irait-il? Que me demanderait-il? Étrange mélange de joie et... de crainte.
Avec le temps, la confiance en Dieu s'est installée. Il répond beaucoup plus à mes prières, car je prie davantage selon sa volonté (moins égoïstement). Je sais que beaucoup de choses auxquelles je n'ai pas eu de réponses s'arrangent dans la confiance en lui et avec le temps. Une injustice apparente ou réelle, par exemple, finit par tourner à mon perfectionnement. Mais je me demande toujours: "Jusqu'où ira-t-il ?" Que la grâce (don gratuit) de Dieu me soit en aide dans le nom de son Fils unique, Jésus-Christ. "Aux hommes, cela est impossible, mais à Dieu, tout est possible".
Gilles est pasteur de l'Église de l'Alliance Chrétienne et Missionnaire de Rimouski. Il sert actuellement à mi-temps. Après sa conversion progressive en 1983, il a gradué d'un institut biblique en 1990. Il a servi le Seigneur de diverses façons, tout en occupant des emplois séculiers avant de devenir officiellement pasteur en 2002. En 1993, il s'est marié (enfin!) et il est aujourd'hui père de famille.
Je me souviens par exemple qu'un soir, vers l'âge de 17 ans, parcourant brièvement des extraits des quatre évangiles, j'avais fermé le livre avec un sentiment de désillusion. Jésus était mort, et ne pouvait plus rien pour notre époque.
À partir de ce moment, cette réceptivité de l'enfance et de l'adolescence s'est soudainement refroidie. Toujours sous une apparence de bon gars, j'en suis venu à explorer les drogues, durant quelque temps, en compagnie de mon meilleur ami et de sa copine. Mes croyances se sont rapidement tournées vers la réincarnation, et vers une notion d'énergie à l'origine de l'organisation de notre univers. Les cosmogonies extra-terrestres continuaient aussi de faire partie de ma toile de croyances.
J'en suis progressivement venu à haïr jusqu'à l'idée même du Dieu de Jésus-Christ, et de ce que je percevais comme le Christianisme. C'est alors que j'ai commencé à assembler faits, idées et arguments qui pourraient libérer les gens de ce que je percevais comme la superstition chrétienne ou de toute autre religion.
Il faut dire que, comme jeune adulte, ma connaissance de la foi chrétienne dans le monde était assez limitée. À l'école, on se gardait bien de nous dire que la majorité du Canada anglais et des États-Unis confessaient d'autres variantes du Christianisme. Dans les médias du Québec, comme aujourd'hui souvent encore, quand les annonceurs disaient «l'Église», c'était comme s'il allait de soi qu'il n'y en avait qu'une.
Quand donc j'ai déclaré la guerre au Christianisme et aux religions, c'était avec ce que j'en connaissais, mais surtout parce que je n'avais jamais vu Dieu agir, ou pris véritablement conscience de sa présence.
Quelques jours après que je me suis mis à cette tâche, un étudiant croyant (chrétien), que je côtoyais assez souvent à la cafétéria, mais dont j'ignorais le cheminement spirituel, vint frapper à ma porte, dans les résidences du campus collégial. Devant sa question, à savoir si je croyais en Jésus-Christ, je lui ai répondu que la religion ne m'avait jamais rien apporté. Et j'avais raison.
Durant les premières années de ma vie, j'avais peu connu mon père qui travaillait dans les chantiers du Grand Nord québécois (les centrales hydro-électriques Outarde et Manic). Revenu avec une maladie qui gagnait sur lui, et bon fumeur, il nous quitta frappé d'un infarctus, un mois avant d'atteindre ses 50 ans. Moi j'allais avoir 10 ans à l'été. Je l'ai pleuré à mon adolescence quand j'ai réalisé comment j'aurais eu besoin de lui.
Mais je n'ai jamais accusé Dieu de mes souffrances.
Je me souviens de ces dimanches de la première année suivant son décès, où ma mère était assise seule à la fenêtre, attendant quelqu'un qui ne venait jamais. Mes soeurs, toutes plus âgées que moi, avaient leurs activités ou leurs «chums». Nous avons donc déménagé dans une petite ville lorsque j'avais 11 ans. Là au moins, ma mère pourrait essayer de trouver du travail.
Mais elle allait assez vite nous quitter elle aussi. Son nouvel ami de coeur, veuf lui aussi, se révéla un alcoolique plutôt sombre. Après l'échec de leur relation d'environ deux ans ou un peu plus, il n'avait pas apprécié qu'elle le laisse suite à quelques tentatives infructueuses d'arrêter de boire. Quelques semaines après la rupture officielle, il l'invita chez lui dans un village à quelque distance (nous avions toujours conservé notre maison dans la ville où j'étais étudiant au secondaire, et où elle travaillait comme gouvernante pour un commerçant durant la semaine). Il prétexta le fait que ses enfants à lui s'ennuyaient d'elle, et au moment où ceux-ci étaient réunis dans une pièce de la maison, il la prit à l'écart, lui envoya une décharge de fusil de chasse, et s'enleva la vie. Nous ne la revîmes jamais vivante.
Nous apprîmes la nouvelle par la radio le lendemain, par une journée de tempête hivernale. Ma joie à la nouvelle des écoles fermées à cause des abondantes chutes de neige, laissa la place au drame. En des temps comme ceux-là, on pleure l'être perdu, mais on se pleure aussi soi-même. Elle mourut elle aussi quelques semaines avant ses 50 ans. J'allais avoir quinze ans.
Mais je n'ai jamais pensé en mettre la faute sur Dieu.
La démarche religieuse de mon enfance et de mon adolescence se résumerait à peu près à ceci: statuette de la Vierge made in Hong Kong sur mon bureau, et qui tombait chaque fois que j'en ouvrais le tiroir à crayons; messes (que j'arrêtai de fréquenter à treize ans); une tante religieuse que nous aimions beaucoup et qui représentait le clergé catholique pour nous (du moins pour moi); un crucifix que j'avais encadré d'un chapelet sur le mur près de la tête de mon lit (récupérés de la tombe de mon père); et cette lecture d'extraits des évangiles, sans l'ombre d'une révélation, un soir de mes 17 ans.
Après tout cela, pas davantage l'ombre de Dieu aux environs. Un silence total. J'en vins à ce sentiment d'avoir été trompé par un système.
Quand donc, au début de la vingtaine, cet étudiant prononça le nom de Jésus, alors que moi je venais de déclarer la guerre à Dieu et aux croyances religieuses (du moins celles que je percevais), je n'allais pas m'embarquer dans une religion.
Bien que je n'aie jamais accusé Dieu de mes maux, à l'inverse, je ne lui reconnaissais aucune faveur non plus.
«Je vais te dire franchement: la religion ne m'a jamais rien apporté!» Telle fut ma réponse. C'est alors qu'il me parla d'une relation personnelle avec Dieu et de quelques expériences personnelles. Après réflexion, qu'avais-je à perdre d'essayer?
Je fis un bout de chemin avec lui, puis avec la femme d'un pasteur, visiblement une ancienne hyppie, d'après son sac de cuir, ses cheveux et son style vestimentaire.
Un beau jour, dans une réunion toute simple: quelques étudiants autour de la Bible, avec cette femme pour animatrice, une guitare, quelques cantiques hors contexte pour des étudiants du cégep et quelques prières, je fus soudainement accroché par Dieu, sans que les autres en soient conscients. Le tout se passa en quelque sorte intérieurement. La réunion se poursuivait, mais je n'étais plus conscient de ce qui se disait autour. Au sortir de cette rencontre biblique, je réalisais que ma vie ne serait jamais plus la même, et que même si je cessais de marcher avec Dieu, même éventuellement dans la peau du pire des pécheurs, ma conscience de la réalité de Dieu ferait que je ne serais jamais le même.
J'avais bien déjà réalisé au cours des derniers mois, en lisant l'Évangile d'une manière plus suivie, que j'étais pécheur.
J'avais aussi été convaincu de la réalité de Dieu lors de certains événements personnels des dernières semaines.
Mais ce jour-là, Dieu m'a vraiment accroché d'une façon spéciale, à l'insu des autres. Jusqu'où irait-il? Que me demanderait-il? Étrange mélange de joie et... de crainte.
Avec le temps, la confiance en Dieu s'est installée. Il répond beaucoup plus à mes prières, car je prie davantage selon sa volonté (moins égoïstement). Je sais que beaucoup de choses auxquelles je n'ai pas eu de réponses s'arrangent dans la confiance en lui et avec le temps. Une injustice apparente ou réelle, par exemple, finit par tourner à mon perfectionnement. Mais je me demande toujours: "Jusqu'où ira-t-il ?" Que la grâce (don gratuit) de Dieu me soit en aide dans le nom de son Fils unique, Jésus-Christ. "Aux hommes, cela est impossible, mais à Dieu, tout est possible".
Gilles est pasteur de l'Église de l'Alliance Chrétienne et Missionnaire de Rimouski. Il sert actuellement à mi-temps. Après sa conversion progressive en 1983, il a gradué d'un institut biblique en 1990. Il a servi le Seigneur de diverses façons, tout en occupant des emplois séculiers avant de devenir officiellement pasteur en 2002. En 1993, il s'est marié (enfin!) et il est aujourd'hui père de famille.