Pour les chrétiens d'Afghanistan, la prison, la peur ou l'exil
L'un vit dans l'angoisse d'être démasqué, l'autre croupit en prison, meurtri dans sa chair par un pays qui ne veut plus de lui. Neuf ans après la chute des talibans, être chrétien se paye toujours au prix fort en Afghanistan: la clandestinité pour Enayat, la torture pour Musa.
L'univers clandestin des chrétiens d'Afghanistan compterait entre 1.000 et 2.500 âmes menacées, selon leurs amis occidentaux. Les autorités locales, elles, dénoncent en privé une poignée d' »imposteurs » honteux prompts à se dire persécutés dans le seul but d'obtenir un visa pour l'étranger.
En mai, un reportage télévisé montrant un baptême d'Afghans convertis allume la mèche d'une nouvelle poussée de fièvre anti-chrétienne. Manifestations, appels au meurtre des « félons »: sous la pression, la police interpelle plusieurs chrétiens présumés, dont Musa Sayed, 45 ans et près de six enfants.
Emprisonné à Kaboul, cet employé de la Croix-Rouge avoue s'être converti six ans auparavant, et refuse de revenir à l'islam. Il ne sait encore si cela lui vaudra la mort, châtiment prévu par la loi islamique, la perpétuité ou l'exil.
Ce matin là, Enayat ne se trouve qu'à quelques centaines de mètres de son ami embastillé, et ses yeux verts en tremblent de « honte pour (son) pays ».
A son arrivée en prison, geôliers et codétenus avaient réservé à Musa un avant-goût de cet enfer auquel ils le voient promis. Pendant plusieurs semaines, il est battu, violé, humilié « de jour comme de nuit », écrira-t-il à ses amis.
Une violence à la mesure de l'offense ressentie dans un pays qui a souvent fondé son identité sur la résistance armée et religieuse aux envahisseurs, chrétiens, depuis le XIXe siècle.
Depuis 2001, plusieurs missionnaires étrangers ou soupçonnés de l'être y ont été assassinés. Les derniers, huit médecins d'une ONG chrétienne, furent tués en août 2010 dans le nord.
Extrait Dépêche AFP