Comme Marie... Humble, servante, obéissante

Un texte de Carlos Payan

Introduction

Humble, servante, obéissante.

Je ne calcule plus le nombre de fois où m'est posée la question suivante : « Vous les protestants, croyez-vous en Marie ? » Croire ne veut pas dire prier...

Il est vrai que l'histoire de notre pays, et plus particulièrement les guerres de religion, avec ses nombreuses conséquences familiales, dont certaines sont encore présentes, a influencé, voire déformé, les regards croisés que les chrétiens français posent légitimement les uns sur les autres ; mais voilà, les vécus ou ressentis sont parfois plus forts que les réalités.

Ce livre n'a pas la prétention de résoudre tous les différends entre catholiques et protestants évangéliques – ce n'est d'ailleurs pas mon propos – mais de proposer un chemin apaisé et réconcilié entre nous.

L'unité ne consiste pas à forcer l'autre à penser ou à devenir comme moi, ni même à essayer de le convaincre, mais à l'aimer comme Jésus l'aime. Je ne prétends pas régler des siècles de conflits, de malentendus, de procès d'intention et même de différends théologiques. J'assume la responsabilité, à  laquelle Dieu m'a appelé, qui consiste à être inlassablement, devant lui et devant les hommes, un ouvrier de paix :

18 S'il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.

Il est urgent, en effet, que la France montre un autre visage que celui des guerres entre chrétiens (non terminées pour beaucoup). Certes, on ne tue plus avec des armes, mais les mots et les pensées restent aussi violents que meurtriers.

Alors oui, j'ai voulu écrire ce petit livre pour essayer de créer des ponts pour rétablir des contacts, et tout simplement pour vivre la communion entre nous. Il est dédié à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui décident fermement de ne plus prendre la mère du Seigneur en otage de nos divisions, pour que les amis du Christ se parlent et se rencontrent. C'est vrai, il est inhabituel de lire un pasteur évangélique à propos de Marie. On aurait tendance à laisser le sujet, ou son exclusivité, à nos frères catholiques ou orthodoxes. Et pourtant nombre de protestants, à commencer par Martin Luther, ont écrit de magnifiques pages sur Marie. De plus, mes relations avec mes frères catholiques ont enrichi notre connaissance réciproque et surtout effacé des peurs infondées, souvent transmises comme un héritage du protestantisme.

Tous ceux qui ont rencontré un Christ vivant et lui ont donné pleinement leur vie en faisant l'expérience quotidienne de son amour, découvrent une relation à Marie davantage équilibrée. Entre certains évangéliques, qui nient presque tout de Marie et ne la citent jamais, ni en exemple, ni dans leurs prédications, mus par une peur injustifiée, et certains catholiques, qui parlent d'elle avec des superlatifs et qualificatifs sans fin ne ressemblant que très peu à ses  vertus réelles, il y a un écart, reconnaissons-le.

Marie, servante humble et obéissante, ne se met jamais en avant pour sa propre gloire, préférant montrer son fils, dans la gloire de sa divinité. Marie est une des femmes exemplaires de la Bible, mais elle a une dimension supplémentaire : elle est la mère du Messie, la mère du Fils de Dieu et, à ce titre, elle occupe une place particulière dans la Bible ; son exemple mérite d'être mieux connu. Je ne suivrai jamais celles et ceux qui la placent au-dessus de Christ et qui se servent de son nom par provocation. Je ne suivrai jamais non plus celles et ceux qui, par rancoeur, l'utilisent pour justifier un anticatholicisme primaire. Salir l'autre ne rend jamais soi-même plus propre. Je ne suivrai pas l'agressivité envers les catholiques de certains évangéliques qui, faute de réconciliations et de guérisons, se voient seuls détenteurs de la vérité. Je ne suivrai pas enfin la suffisance hégémonique de certains catholiques qui pensent que tout doit passer exclusivement par eux.

Dans notre Eglise, certaines personnes sont « mariolâtres », d'autres « mariophobes » ; je pense qu'il y a de la place entre ces deux extrêmes. Je dis aux uns et aux autres : « je vous considère comme plus grands que moi et j'ai beaucoup à apprendre de vous ». Mais, par amour du Christ et de son Eglise, je ne vous suivrai pas. Ma vie, je l'ai donnée à Jésus Christ et à lui seul dans sa Parole. J'ai compris la place de Marie, sa mère, sans la prier, ni l'oublier. Sur la place réservée à tous mes frères et soeurs dans la foi selon les paroles de Jésus, « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », j'ai beaucoup à apprendre et surtout à mettre en pratique.

J'ai longtemps réfléchi, hésité, tourné en tous sens au sujet de l'écriture de ce livre. J'ai décidé de laisser l'Esprit Saint me conduire, m'inspirer, me surprendre et me corriger. Bref, le laisser faire un peu et moi, obéir un peu. Mais je suis comme vous, j'aime bien faire par moi-même, comprendre d'abord et surtout prévoir les réactions ou les contradictions ; alors je plonge dans cette aventure de foi et d'Esprit pour laisser parler mon coeur, ma raison, ma foi, mes doutes, mes convictions, mes peurs, mes espérances mais surtout mon amour en ce Dieu qui est Père, Fils et Saint-Esprit.

Je vous commenterai et partagerai mes convictions sur celle dont l'Ecriture dit : « Toutes les générations (la) diront bienheureuse ». Alors, tout en restant biblique ou scripturaire, je peux écrire, ou mieux chanter : « Oui, en 2010, j'estime qu'à cause de ce qui lui est arrivé, Marie est bienheureuse ». Mais je ne peux aller plus loin d'après la Parole de Dieu et ma conviction personnelle.

A travers ce livre, je vous emmène dans l'Ecriture sainte, de l'Annonciation à la Pentecôte. Le « Oui » à Dieu de cette femme choisie, « bénie entre toutes », ne peut que nous bouleverser tous. Vous l'aurez bien compris. En tout cas, je l'espère, je ne me place pas en donneur de leçons, ni comme ayant reçu une révélation toute particulière, encore moins comme théologien ni exégète. Peut-être cet ouvrage contient-il des erreurs. Seuls ceux qui sont corrigés progressent. Et pour ma part, je veux faire des progrès.

15 Occupe-toi de ces choses, donne-toi tout entier à elles, afin que tes progrès soient évidents pour tous.

Mais je prends le risque de l'incompréhension pour partager dans ce livre un avis parmi d'autres, selon les paroles de l'apôtre Paul : « Je n'ai point d'ordre du Seigneur, mais je donne un avis » 1 Corinthiens 7

A tous mes frères chrétiens en Christ, à l'Eglise du Seigneur, ce livre n'a pas pour but de sonder vos théologies. Il propose mon regard personnel pour rendre à Marie, mère du Messie, les valeurs de son exemplarité. Dans mon cheminement spirituel, sans cesse éclairé et chahuté par le Seigneur, je me laisse interpeller et renouveler ; et souvent, je cède à son amour, car je le connais encore trop peu. Voilà donc. Bonne lecture. Laissez-vous interroger, surprendre, bousculer ou davantage. Ce livre ne remplacera jamais la Parole de Dieu : la Bible, seule vérité indiscutable.

Puisse le Seigneur par le Saint-Esprit embellir vos vies par sa Parole.

Pasteur Carlos PAYAN

Chapitre 1 - Marie, fille d'Israël, fille de Sion

L'ange avait dit à Marie : « L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ». Dans la façon de s'exprimer de l'ange, une telle sobriété, une telle discrétion, a sans doute pour but de préserver l'intimité de Marie en nous interdisant toute curiosité irrespectueuse.

Un point cependant doit être relevé dans l'annonce faite à Marie. Un point capital pour notre foi. Avant que Marie ne lui demande : « Comment cela se fera-t-il puisque je n'ai pas de relations conjugales ? », l'ange lui avait dit : « Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. Il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. » (Luc 1 : 35 Version TOB)

Le point capital pour notre foi, le voici : Jésus est à la fois d'origine divine et d'origine humaine. En lui, se rencontrent le céleste et le terrestre. D'un côté, il est appelé « Fils du Très-Haut », de l'autre, il est reconnu comme inscrit dans la descendance du roi David. Il est donc « vrai Dieu et vrai homme ». C'est la raison pour laquelle il est l'être de communion par excellence ; le seul qui puisse rétablir la communion perdue, depuis la faute en Eden, entre le Créateur et nous (Cf. Genèse 3). Si Jésus était uniquement homme, il ne pourrait pas nous conduire jusqu'au Père. S'il était uniquement Dieu, à cause du péché, il ne saurait franchir l'abîme qui le sépare des hommes. Dans un cas comme dans l'autre, il serait semblable au vieux pont St-Bénezet en Avignon qui netraverse plus qu'une moitié du Rhône. Marie a su, la première – et évidemment mieux que quiconque – que Jésus est pleinement Dieu et pleinement homme. Elle repassera dans son coeur sans cesse les paroles du Fils de Dieu dont elle est la dépositaire et bénéficiaire.

Or, depuis quelques temps, ici et là, on entend dire : « Marie a été une mère porteuse ». La formule fait moderne, « dans le vent ». Elle sonne bien. Mais elle est pernicieuse... et surtout fausse. En effet, qu'appelle-ton « une mère porteuse » ? Dans un pays où la législation le permet, il s'agit d'une femme qui porte l'enfant pour quelqu'un « qui n'a pas connu d'homme ». Mais l'analogie avec Marie s'arrête ici. En effet, la mère dite « porteuse » fait accueil à un ovule fécondé venant d'une autre femme. L'embryon qui va se développer sera bien « en elle » mais ne sera pas « d'elle ». Et l'enfant qui naîtra, au bout de neuf mois, ne lui appartiendra pas. (Elle pourra peut-être l'adopter, mais c'est une autre affaire). Si donc Marie avait été « une mère porteuse », Jésus serait pleinement Dieu, mais pas homme du tout. On aurait alors à faire à « un extraterrestre ». A la différence des Martiens pourvus d'antennes et semblables à des robots comme on en voit dans les films de science fiction, Jésus aurait les traits d'un homme mais ne serait pas un homme « en vrai ». Pas un être de chair et de sang, tiré de la même pâte humaine que vous et moi. Par conséquent, il ne serait pas le médiateur entre Dieu et les hommes qui seul rétablit la communion perdue. (Cf. 1 Timothée 2 : 5). C'est pourquoi Jean l'évangéliste nous dit clairement : « A ceci vous reconnaissez l'Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu. »

Et Jean aussitôt d'ajouter :

« Et tout esprit qui divise Jésus n'est pas de Dieu ; c'est l'esprit de l'antéchrist, dont vous avez entendu annoncer qu'il vient, et dès maintenant il est dans le monde. » 1 Jean 4 : 2. Version TOB

Voilà qui donne froid dans le dos. Nous sommes mis en garde de ne pas considérer Jésus comme « vrai Dieu et faux homme ». Oui, Jésus est pleinement homme tout en restant pleinement Dieu.

Ceci étant posé, nous avons maintenant à approfondir ce que contient la formule : « Jésus venu dans la chair ». Les Écritures nous montrent que, lorsque Dieu porte ses regards sur les hommes, il ne voit ni des individus séparés les uns des autres, ni des êtres fondus dans une foule compacte et sans visage. Il voit des personnes en lien les unes avec les autres. Son regard est toujours en va-et-vient de la personne à la communauté. Ainsi, considère-t-il Marie et Jésus son fils comme inséparables de la communauté humaine à laquelle ils appartiennent : le peuple d'Israël (appelé aussi le peuple hébreu ou le peuple juif).

Il va de soi que nous devons calquer notre façon de voir sur celle de Dieu. En l'occurrence, ce n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît. En effet, le credo que nous récitons par coeur, presque machinalement, déclare : « Il a été conçu du Saint-Esprit. Il est né de la Vierge Marie ». C'est exact, mais un peu court. Aucune allusion, aussi minime soit-elle, n'est faite à l'appartenance de Marie au peuple d'Israël. De ce fait, beaucoup perçoivent Marie comme un être presque exclusivement céleste, sans enracinement sur le plan terrestre. Mais non, Marie ne saurait être coupée de ses racines. Elle est une fille d'Israël et fille de Sion. Bien plus, l'Evangile de Jean ne la désigne jamais par son nom mais toujours par l'expression « la mère de Jésus ». Voyons dans cette appellation aussi du respect pour la mère du Seigneur. Ce qui fait dire à plusieurs érudits en matière biblique que Marie est implicitement reconnue ici comme « la fille d'Israël par excellence », celle qui représente, en sa personne, le peuple par lequel le Messie (le Christ) est engendré. Par ailleurs, elle-même assume son appartenance à ce peuple d'Israël. Dans son chant de louange à Dieu, que nous appelons le Magnificat, elle termine par ces
mots dits avec foi et enthousiasme :

« Il est venu en aide à Israël son serviteur en souvenir de sa bonté, comme il l'avait dit à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa descendance pour toujours. » Luc 1 : 54. Version TOB

Pour beaucoup d'entre nous, cette déclaration est quelque peu hermétique. Et nous glissons, ne nous sentant concernés ni par le lointain, Abraham, ni par sa descendance. Et pourtant ! Il y a là, dans la déclaration de Marie, un point fondamental pour notre foi que nous ne devrions pas ignorer. Essayons de l'expliquer en quelques mots. Afin que soit rétablie la communion perdue entre lui et les hommes, Dieu a conçu un plan de Salut (de rédemption) en faveur de toute l'humanité. Il a décidé de réaliser ce plan en s'appuyant sur un peuple particulier. Pour cela, il a choisi non pas d'appeler un peuple parmi tous les autres peuples, mais d'appeler à l'existence un peuple qui jusque là n'existait pas : le peuple d'Israël, forgé progressivement à partir d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Or, avec ces patriarches et leurs descendants, Dieu a fait une Alliance qu'il a lui-même déclarée « éternelle ». La venue de Jésus au
sein du peuple d'Israël n'a pas abrogé cette Alliance. Sur le cours de celle-ci, elle a déterminé un « avant Jésus » que nous appelons rétrospectivement « l'Ancienne Alliance », et un « à partir de Jésus » appelé « la Nouvelle Alliance » (Alliance « signée » par le sang de Jésus à la Croix). La Nouvelle Alliance est donc une nouvelle phase de l'Alliance éternelle de Dieu avec Israël (Cf. Jérémie 31 : 31 et Hébreux 8 : 8). Par fidélité à sa parole, Dieu reste en Alliance avec Israël.

Cela étant posé, à un moment donné (Cf. Actes 10), l'Evangile est annoncé aux non-Juifs, hommes et femmes de toutes tribus, de toutes nations, de  toutes langues. Ceux qui le reçoivent sont ipso facto intégrés par Dieu dans son Alliance « nouvelle formule » avec Israël. Et là, avec leurs frères juifs dans la foi en Jésus, ils bénéficient du même amour du Père, du même sang rédempteur et protecteur, de la même plénitude du Saint-Esprit. Alors, en Christ, les deux – Juifs et croyants des nations –forment « un seul homme nouveau », selon l'expression de Paul (Cf. Ephésiens 2 : 15) et surtout selon le dessein d'amour de Dieu.

Comprenons bien que « le lieu » où cette communion s'établit est l'Alliance éternelle de Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob. Un terrain parfaitement stabilisé car reposant sur l'absolue fidélité de Dieu envers ses promesses. C'est à cette Alliance éternelle que Marie faisait allusion dans le Magnificat lorsqu'elle chante la fidélité de Dieu envers Israël son peuple. Ainsi nous indique-t-elle « le point de rencontre » où, en Christ, Juifs et croyants des nations, catholiques, orthodoxes, protestants, évangéliques sont appelés à se reconnaître pour que soit manifestée au monde l'Eglise chère au coeur de Dieu. Les disciples de Jésus-Christ fils de Marie ne sont jamais rentrés en conflit à propos de la place de sa mère1 ou du rôle qu'elle avait auprès d'eux. Dans la tradition juive, le respect de la mère est primordial. À nous aussi de manifester ce respect et de montrer un autre visage à ceux qui nous regardent.

N.B. : Ce texte a été écrit en commun et à ma demande avec Robert Blancou, auteur du livre « Enfin j'y vois clair. Jésus – les Juifs – l'Eglise » Emeth Editions. Un spécialiste sur le sujet.

Pour terminer ce chapitre, il me semble important de citer un extrait de l'intervention prononcée par le pasteur Paul Bechdolff de l'Eglise Réformée de France au cours du rassemblement de la Communauté du Chemin Neuf, le 15 août 1986 à Ars (publiée dans « Timothée » n°63 – Déc. 1997). Il apporte un éclairage complémentaire au texte précédent.

« Mais je dois confesser qu'en préparant et en me remémorant tout ce que j'ai déjà dit, j'ai découvert que je ne pourrais pas le dire... parce que chaque fois que je dirais quelque chose, il me faudrait pour être honnête ajouter un « mais » ou un « mais non pas » ; et que l'enseignement que j'allais donner, s'il était honnête, serait encore une fois terriblement confessionnel. Et vous n'êtes pas venus ici pour entendre un débat théologique sur la Vierge Marie...

Oui, j'aurais pu parler de Marie, mère de Dieu, car je crois que Marie est mère de Dieu comme le disent les conciles, mais j'aurais dû dire un « mais »...

Oui, j'aurais pu parler de Marie « figure de l'Eglise » car je crois que Marie est figure de l'Eglise, mais j'aurais dû dire un « mais »...

Oui, je peux parler de Marie comme modèle des croyants, car je crois qu'elle est modèle des croyants, mais j'aurais encore dû vous dire un « mais »...

Et j'aurais pu vous parler comme Luther de Marie notre mère, puisqu'elle est la mère de Jésus, mais j'aurais encore dû vous dire un « mais »...

Et voilà ce que je voulais partager avec vous, c'est quelque chose sur l'identité de Marie. Marie apparait au seuil de l'Evangile dans un groupe de six personnes : Elisabeth et Zacharie, Joseph et Marie, Anne et Syméon. Et ces six personnes sont entièrement typées, elles appartiennent toutes au même milieu en Israël.

A cette époque en Israël, il y avait toutes sortes de courants religieux, spirituels et politiques, des partis et des courants, des ordres religieux et des  groupements. Les uns pour le statu quo comme les Sadducéens, les autres pour une obéissance parfaite à la Loi comme les Pharisiens, d'autres pour une séparation du monde comme les Esséniens, d'autres pour reprendre le pouvoir comme les Zélotes. Tous espéraient le Messie. Mais dans tous ces groupes, il y en avait un qui n'était même pas structuré, un groupe d'hommes et de femmes qui n'étaient pas un groupe, ils étaient des hommes et des femmes ayant assimilé toute la portée, toute la force de leur foi israélite. C'étaient les pauvres d'Israël. Des gens simples : un charpentier, un prêtre de
dernière classe, des veuves, des gens très simples... qui selon Luc sont simplement dans la « justice » c'est-à-dire dans l'obéissance à la Loi... On fait ce que Dieu demande... Des gens simples qui sont dans la piété et la prière : c'est-à-dire la prière des psaumes, dans l'accrochage aux paroles des  prophètes, des paroles d'espérance et des paroles de rappel à l'obéissance. Ils attendaient la consolation d'Israël. Ils ne voulaient pas la faire, ni par leur obéissance religieuse, ni par la politique. Ils l'attendaient, comme des pauvres, de Dieu.

Et Marie, avec Joseph, Elisabeth, Zacharie, Anne et Syméon, est l'une d'entre eux. Et cela se voit tout de suite. Si vous n'étiez pas habitués depuis votre enfance à chanter, à réciter le Magnificat comme un cantique chrétien, mais si on vous le mettait dans la main à brûle-pourpoint un jour, que diriez-vous ? Que c'est un cantique chrétien ?

C'est un cantique que les chrétiens chantent, mais c'est un magnifique cantique d'Israël : c'est un psaume, construit comme beaucoup de psaumes de louange, démarrant à partir de la grâce particulière que Dieu a fait à quelqu'un pour éclater dans la louange pour l'oeuvre et le projet de Dieu à travers toute l'histoire d'Israël.

Le Magnificat est le cantique d'une enfant d'Israël, d'une jeune fille juive pauvre, juive écrasée par l'oppression romaine. Vivre à Nazareth, c'était vivre  comme des pauvres, dans des grottes, au milieu d'une population mélangée où il y avait des païens et des Juifs, dans un lieu méprisé par les Juifs qui ont du poids et de la considération, qui sont fidèles et qui savent qui ils sont...

« Il a renvoyé les riches les mains vides, il a relevé les pauvres... » Il a donné aux affamés, chassé l'ennemi, relevé l'écrasé. Mais surtout : il a tenu sa promesse, l'Alliance faite à Abraham notre père, envers Israël.

Voyez-vous quand, au catéchisme, je demande perfidement à mes catéchumènes : « au fait quelle était la religion de Jésus ? », il y a quelques bons petits de nos églises qui répondent tout de suite : « protestant ! » ou au mieux « chrétien ». Maintenant que j'ai posé la question comme cela, vous savez qu'il y a un piège. Qu'est-ce que vous auriez répondu spontanément ?

Quelle était la religion de Jésus et de Marie ? Juive ! Et ce n'est pas innocent... Est-ce quelque chose que Dieu a effacée depuis que Jésus est ressuscité ? Dans le ciel où elle se trouve, j'en suis sûr, au coeur de l'Eglise du ciel, le centre de l'Eglise du ciel, c'est Marie et les douze et tous les Juifs qui faisaient le reste d'Israël et qui se sont attachés à Jésus. Et ils ne deviennent pas chrétiens en n'étant plus juifs ou Israël. Ils sont toujours Israël.

Marie prophétesse d'Israël. Marie jeune femme graciée parce que Dieu veut faire à travers elle son oeuvre de Salut comme il l'a fait à travers Sara la stérile en donnant Isaac, à travers Rébecca la stérile en donnant Jacob et Esaü ; en donnant Joseph à Rachel la stérile ; comme il l'a fait à travers Anne la stérile en donnant Samuel, à travers Élisabeth en donnant Jean.

Marie, témoin que le Salut vient de Dieu, de lui, de lui tout seul, dans nos vies, dans le monde, de son initiative complètement gratuite. Il a choisi le petit, celui qui n'existait pas, pour manifester sa gloire et son amour, en Marie comme en Abraham.

Marie la croyante, la croyante fidèle d'Israël car elle croit ce que les prophètes ont dit, elle croit ce que la Loi demande, elle croit de la piété des pauvres  dans l'amour du Dieu fidèle. Elle croit ce que Dieu lui dit, même si c'est totalement nouveau. Elle croit comme une israélite sans fraude.

Marie la pratiquante. Il nous est montré qu'elle fait circoncire son fils, qu'elle va au temple pour la présentation. Elle y va encore pour les pèlerinages. Elle vit pleinement cette foi d'Israël que Dieu a préparé depuis deux mille ans pour que Jésus vienne y naître et témoigner et sauver le monde. Cela me paraît très important. Cela me paraît formidable aujourd'hui.

Il est vrai que l'incarnation, c'est Dieu fait homme, et que du coup chaque peuple créant une crèche de Noël peut y présenter l'enfant Jésus sous les traits de ses enfants : ici Africain, là Chinois... Mais cet usage légitime pour exprimer la foi en la proximité de Dieu fait homme a un inconvénient, il gomme le caractère historique essentiel : l'incarnation a eu lieu dans le peuple d'Israël. Cela était voulu de Dieu et non accidentel ! Cela n'est pas effaçable. Le lieu de l'incarnation, c'est Israël, le peuple israélite, la terre d'Israël : Galilée, Judée, Bethléem, Nazareth, Jérusalem.

Marie est l'Israélite sans fraude. C'est pourquoi nous ne pouvons pas penser qu'Israël ne serait plus dans le coeur de Dieu, ni sa place au coeur du  peuple de Dieu qui s'étend au monde entier. C'est pourquoi nous devons relire attentivement les chapitres 9 à 11 de l'épître de Paul aux Romains. Tout d'abord Romains 9 : 1- 5 qui énumère les dons irrévocables que Dieu a fait à Israël – « de qui est issu le Christ ». Jésus a dit lui-même à la Samaritaine :
« Le salut vient des Juifs » (Jean 4 : 22). Ensuite dans le chapitre 11, Paul dit aux chrétiens de Rome d'origine païenne (v. 16 à 18) : « Ne va pas te glorifier aux dépens des branches... ou si tu veux te glorifier, ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte ».

Pensez à Marie. Je voudrais que vous ne pensiez plus jamais à Marie sans penser qu'elle est étroitement liée à cette racine d'Israël, sans penser qu'elle est juive, enfant d'Israël et qu'elle souffre certainement comme Paul souffrait de l'éloignement de la plus grande partie d'Israël par rapport à Jésus. Je voudrais que vous ne pensiez plus jamais à Marie sans entrer dans une prière pour que l'Alliance avec Abraham (qui ne tombera pas, c'est Dieu qui l'a faite) se réalise et que tout le peuple de Jésus reconnaisse en Jésus son Messie et qu'ainsi vienne le Royaume de Dieu. »

Fin de l'extrait

Tous droits réservés. Aucune partie de ce texte ne peut être reproduite ou transmise sous n'importe quelle forme, par n'importe quel moyen, électronique, mécanique, photocopie ou autrement sans l'accord préalable par écrit de l'éditeur. De courts extraits peuvent être utilisés pour les besoins d'une revue.

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Les passages bibliques cités dans le présent ouvrage sont tirés majoritairement de la version Louis Segond.

Peinture : Antonello da Messina, La Vierge de l'Annonciation
Couverture : Mike Stefanini – www.atomike-studio.com
Composition : Editions Première Partie, Paris, France
Imprimé en France
Dépôt légal : 3ème trimestre 2010
ISBN 978-2-916539-41-6

Photo de Carlos Payan
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